Cataclop, cataclop, voici Mishva, le Centaure qui a traversé le monde.
Messages : 55
Date d'inscription : 13/11/2018
Cataclop, cataclop, voici Mishva, le Centaure qui a traversé le monde. Sam 24 Nov 2018 - 10:47
Quelques infos sur vous ? Ce n'est pas obligatoire ! : Gardons un peu de mystère... je suis un jeune homme intéressé par le sport et l'histoire. Je suis géographiquement au-dessus de Paris. Je m'intéresse tout particulièrement à l'écologie.
Etat civil Nom: Mishva des Lances-de-sang Sexe: Masculin Âge: 62 ans (quand même !) Race: [] Humain [X] Centaure [] Nain [] Élémentaire Nationalité: Chironienne Noblesse: Non ! Lieu de naissance: Près de Yehvan. Métier et/ou fonction: Alchimiste, ex-paysan et citoyen d'honneur de Qul-Bard | Physique & Psychologie Caractéristiques physiques: Fin -> Pour un Centaure, Mishva est plutôt fin et petit (trois coudées et demi, un peu plus de deux quintaux) Malhabile -> Mishva n'est pas du tout doué de ses mains. Il a réussi quelques créations alchimiques, mais n'est pas expert dans cet art. Il n'est aussi qu'un médecin débutant. Faiblesse guerrière -> Mishva ne connaît pas le combat, et est incapable de se défendre si quelqu'un l'attaque. Attitude: Paisible -> Depuis l'enfance, et cela s'est développé avec le temps, Mishva a cherché la paix avec les autres. Il évite à tout prix le conflit, et sait donner son avis sans l'imposer. De plus en plus solide -> Fragile longtemps, effrayé par les contes de son père et par la violence des évènements qu'il a vécu, Mishva est aujourd'hui bien plus résistant aux pressions morales. Sociable -> Mishva, tourné vers les autres, est enclin à discuter facilement, et à sourire aux inconnus. |
Histoire
Je m’appelle Mishva et je suis né en 959, à une demi-journée de Yehvan, dans les grandes plaines des Centaures. Heureusement quelque chose vient donner un peu de goût à cette naissance incroyablement quelconque. Le père de mon père s’appelle Neïta. Neïta des Lances-de-sang, l’un des grands leaders de la révolution armée des Centaures, en 928. Il a d’ailleurs été convié lors de la distribution des terres, avec une trentaine d’autres chefs de clan, par l’Empereur de l’Ouest lui-même.
Voilà pour les présentations. Alors, comment ça se passe, quand on est un héritier d’un révolutionnaire gagnant ? Ah, quoi que l’on en dise, cette bataille-là a été gagnée par les Centaures, je l’assure : en douze ans, c’est une terre presque aussi grande que Fröstburg qui a été récupérée ! Malgré cela, mon père n’était pas un heureux vacciné du conflit. Bien au contraire, ma mère, qui était tombée amoureuse du digne fils de Neïta, formait avec mon père un couple de révoltés permanents. Non contents des terres accordées à leur génération, ils persistèrent à croire que les nations hiérarchisées sont ennemies de la liberté. Alors j’ai connu ce chant, répété sans cesse pendant mon enfance, qui trotte encore dans ma tête : « Qui nous a enfermés ? L’Empire !
Et pour nous libérer ? Neïta, Folir !
Comment ? Leur sang !
Pourquoi ? La paix !
Quand ? Maintenant !
L’avenir ? À nous ! »
Neïta et Folir, deux figures de la révolution, étaient adulées par mes parents. Quelque chose me semblait sonner faux dans la chanson, et je compris pourquoi bien plus tard. La dernière rime ne collait pas du tout. En fait, l’avenir ne devait pas être « à nous », mais « en paix »... La version retenue par mes parents était guerrière. Je ne savais pas cela, mais déjà j’éprouvais plus d’effroi que d’admiration pour les récits de bataille de mon grand-père.
Peut-être vous demandez vous comment vivaient mes parents ? De manière assez conventionnelle, ils avaient un champ, comme la plupart des Centaures, où ils cultivaient leur nourriture. Leur autre occupation était la création d’armes alchimiques, mais pas destinées à la vente : deux fois par semaine, mes parents déposaient une dizaine de pierres explosives dans un dépôt qui appartenait à l’illégale société du rêve.
Les membres de l’association terroriste étaient en effet de grands amis de mes parents, qui les soutenaient avec conviction, sans pour autant prendre le risque d’adhérer en tant que membre. Régulièrement, nous nous regroupions avec quelques familles dans les plaines, faisions un grand feu, et les adultes expliquaient aux enfants que l’ère du peuple viendrait, que c’en était fini des tyrans. Puis étaient jetées au feu des représentations du Roi et de l’Empereur, ou des symboles de leur pouvoir (des bijoux volés à de riches humains, des vases,...). J’avoue que j’avais du mal à m’amuser à ces « fêtes ». De mes yeux d’enfants, je ne trouvais pas gentil de détruire les portraits d’autrui. De surcroît sans le connaître ! À l’occasion de ces rassemblements, j’ai découvert l’alchimie et du même coup les pouvoirs de mes parents : on allumait les feux avec des pierres explosives. Je suis bien obligé d’admettre qu’ils avaient le sens du spectacle.
À mes 8 ans, l’âge était venu de m’instruire des traditions centauriques. Lesquelles ? Eh bien, si vous me permettez d’emprunter cette expression dont les Nains ont le monopole, l’artisanat ! Soit la médecine (qui va de pair avec la couture) et l’alchimie, dans mon cas. J’eus deux enseignants forts différents. D’une part, un ancêtre rigide et humiliant, qui avait déjà dépassé l’espérance de vie des Centaures, m’enseigna la médecine. J’avoue avoir vite laissé tomber, et j’ai dû me montrer, au bout de quelques mois, plutôt insolent. J’échouais systématiquement, et ne m’appliquais pas particulièrement. Cet enseignement ne dura que deux ans, après quoi le vieillard se sentit trop vieux pour faire quoi que ce soit, et finit ses jours loin de ma vue. Il ne fut pas remplacé, si bien qu’encore aujourd’hui, mes compétences en médecine se bornent à la désinfection et la suture des plaies. À l’opposé de ça, je fus instruit en alchimie par une jeune membre de la société du rêve très sympathique, qui devait être de dix ans mon aînée, et j’ai découvert les différents aspects de cet art. J’appris que la particularité des créations alchimiques était leur nombre d’utilisations limité, et qu’il y avait deux grandes familles de recettes : en gros, les potions à base de plante et les cailloux enchantés. Je me pris de passion pour l’alchimie, je trouvais cela fascinant ! Chaque jour, ma tutrice me faisait découvrir des recettes, si bien qu’au bout de cinq ans, je connaissais le nom de toutes les plantes et de tous les minerais aux alentours de Yehvan. En pratique pourtant, j’étais un piètre alchimiste. Si j’eus quelques succès sur des créations fort simples (le baume de conservation des aliments, les graines de bonne haleine,...), j’échouais dès qu’il s’agissait de choses plus compliquées. Mon instructrice ne se décourageait pourtant pas, et constatait que j’y mettais une volonté hors-norme ! Si je ne me souviens pas d’avoir eu une fois l’oreille de mon maître en médecine, le dialogue était, avec elle, quotidien ! Et pourtant, la maîtrise n’y était pas. À la fin des cinq ans de mon apprentissage, j’étais le plus mauvais des apprentis alchimistes de Yehvan.
Conjointement, il était un art que je maîtrisais, et il n’était pas peu dire que j’étais, en celui-ci, tout à fait autodidacte ! Dans l’art de la langue, j’étais excellent. La maîtrise à la fois oratoire et littéraire de la langue humaine, qui quoi qu’on en dise était de toute façon celle des Centaures, depuis toujours, m’a valu diverses remarques. On disait que je parlais comme un humain, et que mes mains étaient semblables à des sabots, tant j’étais mauvais en alchimie et en médecine. J’étais empathique, et me retrouver moqué (y compris par mes parents) et seul était particulièrement douloureux...
Insulté, mis à l’écart, cultivant des salades et transportant les armes que mes parents fabriquaient jusqu’au dépôt de la société du rêve. À 13 ans, je suivais malgré moi le chemin de mes parents : se nourrir et s’armer jusqu’à la prochaine révolution. Quel sens cela avait-il ? Je commençais à comprendre des choses, j’étais presque adulte après tout. Si je n’avais pas subi la dureté de mes congénères, j’aurais réalisé dès lors que le monde me convenait. Contre quoi mes parents se battaient-ils ?
« Ho, Mishva !, beugla mon père alors que je formais une pile de sacs de légumes.
— Oui ? crains-je en me retournant vers lui.
— Tu parles bien, toi, hein ? Pis t’sais écrire aussi ? Viens voir ! Allez, grouille-toi ! »
La mine de mon père n’était pas particulièrement sévère, relativement à son habituelle dureté. De surcroît, il semblait avoir besoin de moi. Deux très bonnes raisons pour le suivre de bon gré. Et j’avais tout à fait raison. « Mishva, t’es grand maintenant. On peut t’donner des bien belles missions. Ta mère et moi on vient d’décider qu’t’allais voir du pays. T’vas écrire ce qu’on te dit, pis lire ça mot pour mot à notre cousin Phanam, à Tildnis. J’aurais bien été, mais à mon âge, j’ai autant de chances de caner su' l’route que d’revenir sain et sauf. T’es jeune, tu peux le faire. »
Et ainsi, mes parents me firent écrire, avec une absence totale de solennité, le message. Et ils m’envoyèrent aussitôt à travers le pays, avec un contact dans une auberge près de Âl-Hudud. J’en avais pour un peu plus d’une lune, en galopant à bonne allure, jusqu’à Tildnis. La missive était loin d’offrir des salutations familiales : Cousin des Lances-de-sang, quelles sont les nouvelles ici ? Nous n’avons point d’activité autre que la culture des champs pour le moment. À quand la prochaine rébellion ? L’heure de combattre est venue ! Tildnis la grande sera-t-elle à nouveau le centre du monde ? Nous attendons avec impatience de faire couler le sang à nouveau.
S’ensuit un périple qui changea ma vie. De Yehvan à Âl-Hudud, la route fut calme, et pour cause. J’y ai découvert l’immensité des plaines centauriques, ainsi que l’absence de tout peuplement. De temps en temps, je croisais quelques Centaures en voyage, mais même pas chaque jour. Pas la trace d’une habitation ni d’un champ. Je me nourrissais de baies et dormais à même les plaines. Je cavalais toujours vers le nord, notant sa direction avant de m’endormir. Je découvrais que la majorité du territoire de la Chironie était vide. Et je me suis questionné longtemps sur la gloire des révolutions. Je découvris plus tard qu’en fait, les Humains avaient cédé assez facilement leurs plaines inexploitées aux Centaures, une fois le bannissement de notre race aboli.
10 jours de voyage ! J’avais battu un record de vitesse, à mon avis. Les plaines étaient faciles à parcourir, et la fougue de ma jeunesse confrontée aux grands espaces avait décuplé ma capacité à voyager. Il n’empêchait qu’en entrant dans Âl-Hudud, j’avais vraiment faim. La nourriture sauvage ne valait pas les produits de l’agriculture, sans compter que tous les Centaures que j’avais croisés étaient eux chargés de vivres. Une fois de plus, mes parents avaient oublié d’être doux et prévenants, mais c’était tant la routine que je ne m’en rendais même plus compte. J’eus vite trouvé mon hôte, qui habitait au cœur de la ville et était assez connu. Il se nommait Maccad des Tueurs-de-roi et tenait une grande auberge, chose peu courante pour un Centaure, mais cela s’expliquait par l’accueil qu’il faisait aux Centaures. Son nom m’a d’abord évoqué l’effroi des révolutions, et je me sentis à nouveau mal à l’aise. Ma nuit fut tout à fait spéciale. J’avais déjà dormi sous un toit, même si ce n’était pas la coutume familiale, mais je n’avais jamais dormi à l’étage. C’était tout à fait amusant, et j’ai même dormi les sabots sur des petits coussins. Le lendemain, Maccad me raconta son parcours. Si dans un premier temps, j'écoutais avec respect, je me pris de passion pour son parcours et posais bien vite des questions. En fait, son père avait été, avec mon grand-père, un des leaders emblématiques de la révolution de 928. Son nom m’évoqua immédiatement quelque chose, puisqu’il était cité dans la chanson de mes parents : le père de Maccad était Folir lui-même. C’est d’ailleurs Folir qui a renommé son clan « Tueurs-de-roi », tout comme Neïta avait renommé le nôtre. Maccad, lui, avait suivi une voie tout autre que son père. À l’âge adulte, il avait consacré sa vie à la médecine et à la philosophie, s’intégrant dans un groupe de débat qui n’existait plus alors qu’à Qul-Bard, et recréant le groupe local à Âl-Hudud.
Le groupe de la vigne était l’œuvre centrale de la vie de Maccad. Cette association s’intéressait aux relations entre les gens, et regroupait, comme pour chaque groupe de Centaures, des penseurs d’opinions divergentes. J’y découvris des personnalités formidables, parfois loin des traditions centauriques. Comme moi, certains préféraient la littérature aux travaux des champs. D’autres encore, et je pus le comprendre en les interrogeant, détestaient l’alchimie ! Mais ces gens semblaient vraiment vivants lorsqu’ils prenaient la parole face au public, pour débattre. S’il existait probablement mille conceptions de l’interpersonnalité, ici trois grandes croyances étaient représentées. D’une part, il y avait ceux qui ne croyaient pas au mélange des races, et souhaitaient que chacune vive à part, ignorant les autres ou commerçant seulement, sans mélange. Chez ceux qui souhaitaient la mixité raciale, il y avait deux écoles : certains voulaient la domination de la race des Centaures, les autres croyaient à l’égalité entre les peuples, et au travail collectif. Dans l’incroyable paradoxe de la spiritualité et de la philosophie des Centaures, jamais une réunion du groupe de la vigne n’a dégénéré, chacun tempérant ses propos et reconnaissant les points où l’autre avait raison. Bon, en toute honnêteté, personne n’avait jamais changé d’opinion du tout au tout, mais tout le monde était très explicite sur ses croyances, apportant toujours des arguments intelligents et pas démagogiques. Assez vite, je m’étais fait mon opinion, et je m’étais rallié au camp de ceux qui veulent l’unité et la mixité des races. C’était une trahison faite à mes parents, mais c’était aussi ma première croyance hors de leur influence. C’était là également que j’entendis pour la première fois parler des élémentaires, une race étrange qui serait originaire d’une île très lointaine.
Je passai 7 jours à Âl-Hudud, profitant de mon avance. Avant de repartir, Maccad me remercia (c’était la première fois que l’on me remerciait !) pour le temps que j’avais passé avec lui, et m’offrit dix livres de fruits et légumes, ainsi que douze d’eau. Ces quantités étaient facilement transportables pour un Centaure, et me furent fort utiles pendant l’interminable voyage jusqu’à Tildnis, qui dura 25 jours ! Le désert était extrêmement rude, surtout en plein cœur de l’été, et je fis un nombre incalculable d’arrêts, en plus de marcher à un rythme très faible, excepté le soir et le matin où je progressais plus rapidement, mais presque à l’aveugle. Sans les précautions prises par mon hôte d’Âl-Hudud, j’aurais terminé ma vie à 13 ans, enseveli dans le désert brûlant. Tildnis m’ouvrit enfin ses portes (enfin, façon de parler. Jamais une porte ne sera posée pour fermer une ville centaurique, c’est une aberration tout à fait humaine ou naine). La ville semblait déserte. Contrairement à la facile découverte de Maccad, il me fallut plusieurs heures de recherche pour trouver Phanam, apparemment inconnu des quelques âmes de l’immense ville.
« Bonjour, monsieur, je suis le fils de Mourd et de Shaarah. J’ai un message pour vous.
— Bien, bien, toussota-t-il après avoir lu le message. Tu as fait bon voyage mon garçon ?
— Bof, c’était pas très amusant sur la fin.
— Eh, nos sables n’attirent plus grand monde. Dire que nous étions la plus grande ville du monde...
— Monsieur, il n’y a pas d’étage ici, n’est-ce pas ?
— Bien évidemment que non mon garçon. Il n’y a que des constructions faites pour nous, à Tildnis. De toute façon, il n’y a pour ainsi dire que des Centaures ici. Bon, je vais devoir te renvoyer à tes parents.
— Sans message ?
— Si, si, s’excusa-t-il avec une nonchalance hors norme. En fait, je n’ai pas de réponse satisfaisante à leur donner. Tu pourras leur témoigner de tes yeux que tu as vu ce qu’est devenue Tildnis : une coquille vide. Certes, le quartier général de la récente société du rêve se trouve ici, mais la révolution ne fait plus rêver personne. Vous êtes bien à Yehvan, non ? Vous cultivez vos terres, vous avez la paix et la liberté. Qui irait risquer sa vie et celle de sa famille pour obtenir plus de droits que ceux qu’on a déjà ? Que nous faut-il de plus ? Allez, dors ici mon grand, repose-toi avant de repartir. »
Le lendemain, je fus chargé de poissons par le cousin Phanam, qui m’indiqua un itinéraire plus rapide, directement vers Yehvan. J’avoue que j’étais un peu déçu de ne pas repasser voir Maccad, mais l’idée de passer moins de temps dans le désert suffit à me convaincre. En route, je goûtais donc les premiers poissons de ma vie. C’était quelque chose de tout à fait particulier. À la fois moelleux et ferme, je retins de ce voyage que le poisson donnait mal au ventre, mais qu’il nourrissait. Ce désagrément intestinal était compensé par la route fantastique du cousin de mes parents : non seulement les paysages étaient encore plus variés qu’à l’aller, avec quelques collines et bois tout à fait jolis (et d’ailleurs proposant des fruits autres que les classiques baies des steppes), mais en plus je ralliai Yehvan en seulement 25 jours, soit autant que de Âl-Hudud à Tildnis à l’aller.
Le message ne ravit pas du tout mes parents, complètement dépités à l’idée que la lutte cessait. En cette fin d’été 972, les anciennes passions révolutionnaires de mes parents semblaient faiblir, et j’avoue que cela ne me semblait pas un mal. Dans les lunes qui suivirent, peut-être par contrecoup, mon père attrapa de violentes douleurs articulaires, et sembla vieillir prématurément. À la fin de l’automne, mon père avait perdu l’intégralité de ses cheveux. Au 3e jour du printemps de l’année 975, nous l’enterrâmes. Ma mère pleura beaucoup, je ne versai pas une larme, l’esprit occupé à bien autre chose. Je voulais continuer à parcourir le pays, et pourquoi pas le monde ?
C’est donc chargé de quelques économies, issues de ventes agricoles, et sans avoir prévu où j’allais dormir, que je pris la route de Qul-Bard, ville qui m’était alors tout à fait inconnue. Je ne savais non plus précisément le jour où je rentrerais, puisque cela dépendrait de ce que j’aurais comme nourriture contre mes économies. Seulement huit jours de marche furent nécessaires pour rallier la ville du sud. Je préférais d’ailleurs son climat froid à l’insoutenable chaleur du nord. La ville était splendide et déjà en effervescence à mon arrivée relativement matinale. Des estrades se montaient, prêtes à accueillir des orateurs, et des caisses alignées servaient de supports pour les marchands venus du monde entier pour exposer leurs produits. Je me souviens avoir déambulé dans la ville jusqu’au zénith (et même un peu après), découvrant des choses formidables : l’exotisme des Terres Bleues nous amenait la noix de coco, un fruit qu’il fallait briser avec des outils de forgeron, et qui révélait une chair dure et blanche ; la magie des Nains nous était prouvée avec un guerrier qui lançait son épée au loin, puis la faisait revenir d’un claquement de doigts. Tout cela était merveilleux, si bien qu’en lisant un programme de la journée placardé sur une taverne, je me rendis compte que j’avais raté le début de la cérémonie qui se tenait sur la grande place de Qul-Bard. Cavalant au milieu des rues de la ville, je rejoignis la foule alors qu’un grand Centaure venait de descendre de la scène. Plusieurs orateurs se succédèrent, annonçant les temps forts de la lune. Vint le temps de clore la cérémonie, et on remercia les organisateurs de cette foire mondiale. Quelle ne fut pas ma surprise d’entendre le nom de Maccad évoqué, comme éminent philosophe ! Traversant la foule, je réussis à le rejoindre à sa descente de l’estrade. « Mishva, quel plaisir de te voir !
— Plaisir partagé ! Alors, on va avoir le droit à des débats ici ? Avec les Humains et les Nains ?
— Et même les Élémentaires ! me dit-il en pointant un être composé entièrement de terre du doigt.
— Génial ! C’est la première fois que je vois un Élémentaire. Alors, ça se passe où ?
— Doucement Mishva, les débats ne commencent que demain. Tu n’as pas écouté ce qu’il s’est dit ?
— Euh... j’ai raté le début. Alors, qu’est-ce qu’il se passe aujourd’hui ?
— Quelque chose de bien plus rare que des débats de Centaures ! Mulgaran l’Impassible et Wiss Dini Naja vont se rencontrer, et prendre la parole aux côtés de quelques Centaures. »
Sur ces mots, un cortège impressionnant, annoncé par des trompettes, arriva. La quarantaine de gardes entoura la scène, où cinq Centaures, le roi de Givre et l’Empereur prirent place. Tour à tour, les représentants prirent la parole. Les Centaures la prenaient d’ailleurs tour à tour, dans le respect de notre absence de hiérarchie. Maccad me chuchota qu’il était rare de voir des Centaures s’adresser aux souverains, avant de me lancer un large sourire.
« Bienvenue sur nos terres, seigneurs étrangers. »
Des huées se firent entendre dans la foule, et un Centaure chargea. Il fut rapidement arrêté par quatre gardes, et fut exclu de l’assemblée. Les orateurs en firent fi.
« Merci à vous, peuple centaure. Ma fierté d’être ici est sans bornes. Nous vivons un jour historique.
— Mon Royaume salue également l’initiative. Et apprécie qu’enfin un Empereur soit tourné vers la religion. Tes prédécesseurs étaient de mauvais incroyants. Et j’espère que tes successeurs te ressembleront. N’oubliez pas, peuples du monde, que la religion, quelle qu’elle soit, est l’âme du monde.
— Nous devrons construire la paix de demain, amis. Notre peuple n’a plus en lui le moindre désir de révolte, et aujourd’hui nous voulons construire un monde ensemble. Et vive les nations unies !
— Merci à toi, frère Centaure. Rappelons à nos peuples ce qui vient d’être fait : aujourd’hui, un accord tripartite a été signé entre le Royaume, mon Empire et la Chironie. La ville de Qul-Bard a été désignée comme zone de commerce majeure, et recevra bientôt quelques milliers d’aurums de nos nations, en échange de quoi elle interdira en son sein l’échange d’armes et les frais douaniers.
— Bien dit, Empereur. »
Et aussitôt, ils redescendirent de l’estrade, ayant chacun donné deux phrases à entendre à une foule subjuguée par l’aura de pouvoir qui entourait ces personnages, bien que quelques athées aient été outrées du discours de Mulgaran. L’histoire donnera tort à Mulgaran, qui verra après Dini Naja des empereurs bien moins pieux. Les historiens, eux, enjoliveront beaucoup ce discours, qui ne se révéla que promotion d’un accord commercial, loin d’un « Discours d’unité des peuples », comme certains l’appelleront, à tort, plus tard.
Le soir venu, Qul-Bard était toujours animée, mais bien froide au niveau des températures. Je me réfugiai à l’abri prévu pour protéger du vent les Centaures qui aimaient dormir dehors. Avant de m’endormir, j’eus le temps de réfléchir à ma journée. Il m’avait fallu 21 ans pour voir de mes yeux toutes les races connues. J’avais également vu les personnes les plus puissantes du monde, d’ailleurs côte à côte. Quelle folle journée ! Je consacrai les jours qui suivirent à écouter les différents groupes de débats qui échangeaient dans la ville, avec souvent des Humains qui se mêlaient aux penseurs Centaures. Plus rarement, il y avait quelques Nains qui venaient discuter, mais ne restaient pas longtemps : ils avaient une forte tendance à insulter ceux qui ne pensaient pas comme eux, et cela allait à l’encontre de la philosophie de libre expression des groupes de débat.
Je quittai Qul-Bard au quatorzième jour de la lune. Je revenais avec, dans ma pensée, une multitude d’avis nouveaux sur le monde, et dans ma besace une grande variété de végétaux exotiques...
Mon retour à Yehvan attisa quelques colères de ma mère, et beaucoup de curiosité de la part de mon frère adolescent. Ma génitrice écoutait pourtant attentivement ce que je racontais à son autre fils de la lune harmonique. D’ailleurs, elle ne se priva pas de faire une remarque quand j’évoquai le discours d’alliance entre les nations. Outrée, sa colère envers moi muta en une haine viscérale des Centaures qui s’alliaient aux autres races. La lutte contre des illusions reprenait...
Mes premiers mois furent consacrés tout entiers à l’agriculture, histoire de rattraper un peu ce que je n’avais pas fait pendant mon absence (j’étais parti plus d’une lune, en comptant le trajet !). Puis, dès la fin de l’année 980, je travaillai aux champs le matin, et jouais à l’apprenti alchimiste l’après-midi, en essayant, un peu au hasard, de combiner les plantes exotiques que j’avais achetées. Au début de l’année 981, je découvris que certaines plantes étaient molles et extensibles à volonté. J’entrepris donc la création de gommes à mâcher. Jusque là, je n’avais pas eu la moindre difficulté. Il me fallut encore quatre lunes d’expérimentations pour donner diverses propriétés à ces gommes : résistance au froid, au chaud, coupe-faim, augmentation de la force... j’étais allé piocher des effets faciles à réaliser (bien que peu puissants) dans des livres de recettes pour débutant, et avait réussi à les transposer à ses gommes. C’était assez agréable à consommer, et on pouvait les garder (ainsi que l’effet) des heures en bouche.
C’est au début du printemps 981 que j’entrepris de partir pour Qul-Bard. Annonçant à ma mère cela, je notai l’étrange consentement de ma mère. En fait, c’était tout à fait improbable que ma mère accepte avec autant de facilité mon départ pour cette ville contre laquelle elle pestait chaque jour. J’avais en fait réalisé un chef-d’œuvre, ma première réelle réussite alchimique (les gommes devant leur succès aux produits exotiques découverts). Ma création était tout à fait unique : les herbes de persuasion. C’est le fait de ne pas attraper la colourite, et d’avoir plusieurs fois convaincu des personnes en mâchant cette gomme qui avait l’air sans effet, qui me fit découvrir les effets de celles-ci. En fait, mâcher cette chose déclenchait l’empathie des autres, et leur permettait de se mettre facilement à ma place lorsqu’ils me parlaient. L’effet était en réalité assez faible, je ne pouvais pas manipuler à loisir des gens, simplement les ouvrir à mes croyances, leur transmettant avec force mes convictions. Ils ne changeaient pas du tout au tout, mais ceux qui m’écoutaient pouvaient tempérer leurs positions, voire s’ouvrir à quelque chose qui leur était jusqu’alors inconnu, avec immédiatement une oreille intéressée.
À l’automne, une bagarre d’une violence inédite éclata, entre Nains et Humains de la ville. Le nouvel Empereur rompait avec la tradition religieuse de son prédécesseur, et Mulgaran était à nouveau hostile à l’égard des Humains. Si bien que les partisans de l’Empereur se montraient particulièrement agressifs à l’égard des Nains, qui n’avaient pas l’habitude de se laisser marcher dessus. Poussé par une impulsion soudaine et par l’immobilité de la foule environnante, je plongeai au cœur du conflit, tapant des sabots et criant à grand fracas.
« Qu’est-ce qu’il nous veut, le demi-cheval ?
— Amis, amis. Qul-Bard a toujours été le carrefour de nos peuples. Et par carrefour, j’entends le croisement paisible de nos modes de vie.
— Qu’est-ce que j’y peux, si les Nains sont tous à moitié tarés avec leur religion ?
— Eh, du calme Humain. Déjà, on n’est pas tous croyants. Ensuite, c’est pas de notre faute si votre Empereur change toutes les deux lunes. »
Je tentai le coup de prendre quelques herbes de persuasion. Les combats s’étaient arrêtés, pour céder la place à un dialogue extrêmement tendu.
« Doucement, doucement. Déjà, leur Empereur reste 9 ans au pouvoir, c’est ça ?
—10 ans, abruti.
—10 ans, 10 ans, pardon. Il a tout dit, en disant que ce n’était pas de sa faute. Les Nains ne sont pas responsables des conflits entre dirigeants. Imaginez-vous à ma place, je n’ai même pas de dirigeant au-dessus de moi. Nous, les Centaures, on ne débat que de choses qui nous concernent strictement.
— Tu dis qu’on est tarés ?
— Non, non et non. Bien entendu, les chefs politiques occupent un grand rôle dans chaque nation, dis-je sans savoir que je ne connaissais pas l’anarchie qui régnait à Tab Hâ. Mais on ne peut pas opposer les conceptions de chaque pays. Il ne te viendrait pas à l’idée de te battre contre nos leaders, à nous Centaures, puisqu’ils se comptent par dizaines, et qu’ils ont mille avis différents ! Alors comment veux-tu te battre contre...
— Notre roi, qui gouverne à vie, et n’est pas élu comme le vôtre ? Le Centaure a raison, Humain. Il faut comparer ce qui est comparable. Est-ce que, comme moi, tu crois que nous ferions une bonne affaire si je posais une jolie porte en fer chez toi, bien mieux que toutes ces portes en bois, pour 8 deniers ?
— Bien entendu, mais je sais aussi que les Nains sont durs en affaire. 7 deniers et l’affaire est conclue. »
Le Nain, qui semblait résolument dans une démarche de paix, conclut la vente avec un large sourire. J’avais résolu mon premier conflit, bien aidé par ce menuisier loin des clichés des Nains bourrus que l’on relayait sans prendre garde.
Le jour suivant, on vint me chercher dans l’arrière-boutique, au début de l’après-midi. Le Nain de la veille me mena sur la grande place, me fit monter sur une estrade, devant une immense foule.
«Amiiiiiiis de Qul-Bard. Je n’arrive pas à contenir ma joie ! Vous devez me connaître, ou au moins connaissez vous quelqu’un qui possède une de mes créations. Je suis Dreyva le Sculpteur, plus vieux menuisier de la ville ! Et je ne viens pas devant vous sans rien. Je vous présente le Centaure qui m’a sauvé la vie.
— Si, si ! Hier, un regrettable incident s’est produit ici même. C’était jour de marché, et l’élection de l’Empereur humain était dans toutes les têtes. Tellement que la tension est montée, montée... et les coups ont fusé. Sans ce Centaure, sans doute y aurait il eu moult blessés. Et à mon âge, prendre un coup peut être mortel, croyez-le bien. J’ai 194 ans, rendez-vous compte ! Constatez que je tiens la forme ! Allez, je ne vais pas raconter ma vie ! Faites-moi le plaisir d’applaudir...
— Mishva, chuchotais-je, impressionné et confus. »
Et plusieurs centaines de personnes m’acclamèrent. On me remit une jolie médaille artisanale, qui me certifiait citoyen d’honneur de la ville de Qul-Bard. Le titre était en général remis aux personnalités connues de la ville. Ce n’était pas vraiment un intitulé exceptionnel, et je le savais, mais la reconnaissance de mon acte de paix me remplit de joie. Je mis la médaille sur ma devanture, et cela multiplia mes ventes dans les jours qui suivirent.
Cette nouvelle popularité remplit rapidement mes bourses de deniers. Attention, je n’étais pas devenu l’équivalent d’un riche artisan nain, du genre à posséder plusieurs maisons et un domaine viticole. Non, j’avais de quoi vivre paisiblement, en ralentissant mon rythme de travail. J’aurais pu faire cela, si j’avais été égoïste. Mais ma nature me tournait toujours vers l’altérité. Et je décidai d’entreprendre un grand projet, avec quelques amis du groupe de la vigne local : nous allions créer l’atelier des savoirs. Une grande partie de ma nouvelle richesse fut investie dans l’achat et l’équipement d’un grand bâtiment, dans un des quartiers les plus pauvres de Qul-Bard. Nous y avons installé différents outils, permettant de s’exercer à une multitude de métiers. L’atelier ouvrit en été 981. L’idée était assez révolutionnaire : chacun pouvait utiliser des ressources, mises gratuitement à la disposition de tous. Ces ressources n’étaient pas seulement des outils. Nous proposions aussi d’apprendre à se servir de ceux-ci ! Au début du projet, certains grands spécialistes nous ont même soutenus. Cependant, à mesure que le projet se popularisait, mes camarades désertaient : c’était beaucoup trop épuisant à gérer, et il n’y avait pas de rémunération pour leur activité au sein de la structure. Alors, je portai seul le projet.
Quatre ans après l’ouverture de l’atelier, je m’autorisai à le fermer l’espace de quelques lunes, pour retourner voir ma famille à Yehvan, à l’occasion du cinquantième anniversaire de ma mère. L’explication de ma nouvelle vie, même avec des herbes de persuasion dans la bouche, l’a profondément choquée. Je revois encore et toujours son visage pâlissant, et sa colère noire, me hurlant que j’étais devenu l’allié des races impures, et que je pactisais avec eux contre la révolution. Cette fois-là, c’était trop. C’était la dernière fois que je revenais à Yehvan, ma vie en paix à Qul-Bard était cent fois mieux.
Les trois années suivantes furent extrêmement éprouvantes. Gérer l’atelier des savoirs et ma petite boutique, tous deux très fréquentés, devenait difficile. Je n’avais pas de soutien, tous mes amis travaillaient dans autre chose. La plupart étaient bien trop occupés pour m’aider, d’autres n’avaient pas la fibre sociale, si j’ose parler ainsi. La solution se présenta heureusement d’elle-même au bout de trois ans : un ami Centaure qui participait à un groupe de débat sur l’organisation des associations de personnes, qui s’intéressait énormément à l’atelier, m’expliqua qu’une nouvelle façon de gérer les groupes émergeait. Il me parla longuement, et je fus tout à fait convaincu par cette idée de l’autogestion, où les gens géraient collectivement un projet qui devenait commun. Si la première lune sous ce régime fut assez désorganisée et pleine d’appréhension, les anciens membres de l’atelier finirent par prendre en main les explications, et le savoir devint encore plus partagé et partageable. J’étais satisfait de cela, et je sus rapidement passer moins de temps à l’atelier. Juste ce qu’il faut en fait. Dans un premier temps, je devais me reposer...
Le repos fut malheureusement de courte durée. À peine quatre lunes après le début de l’autogestion, un incendie ravagea l’atelier, au crépuscule. Tout fut détruit, et une personne en mourut même. J’étais dépité, mais pas autant que le petit groupe qui vint me voir à la boutique pour m’annoncer la nouvelle : « L’incendie est maîtrisé désormais. C’est une catastrophe. Mishva, nous devons agir. Cet atelier a aidé des centaines de personnes, au cours de son existence ! Moi-même, je t’ai rejoint l’année de sa création. Je ne peux pas supporter l’idée que tout cela se termine. Nous devons reconstruire.
— Nous devons aussi nous venger, Mishva. »
J’eus un long temps de réflexion, en versant quelques larmes. Une gravité tout à fait inhabituelle s’empara de moi.
« Non, mes amis. Voilà comment cela va se passer. Rappelez-vous toujours que cet atelier veut d’abord la fédération des races. C’était l’idée qui prévalait, avec l’aide aux plus pauvres. Cette œuvre est accomplie. Pendant le temps où l’atelier a fonctionné, la paix y régnait. Pensez à tous nos moments de joie ! Se venger, jamais. Ne faites jamais cela, ce serait pour moi comme une annulation de l’œuvre. Comprenez-moi bien, je n’ai jamais rien interdit à personne. C’est la première et dernière fois. Ne nous vengez pas, ce serait trop bête. Il y a déjà eu une vie de trop prise dans cette histoire.
— Reconstruire, alors ? dit l’Humain qui menait le groupe, résigné.
— Je vous donnerai ma décision demain. Bonne nuit. »
Face à mes larmes, le groupe n’insista pas, et sortit sagement. Quel fou dangereux avait pu brûler notre atelier ? Sans même aller voir les dégâts de mes yeux, je m’en tourmentai une bonne partie de la nuit. Je n’avais plus la force de remettre sur pieds un projet de si grande ampleur. Je venais tout juste d’entamer une cure de repos. Une idée germa heureusement, et je pus m’endormir avant que l’aube ne se lève.
C’est en fin de journée, devant l’ancien atelier, tout à fait détruit, que j’annonçai ma décision, face à une petite foule en pleurs : « Bonjour à tous, et tout d’abord merci d’avoir cru en ce projet. Je garde en tête l’image d’un succès, particulièrement sur la fin, et de belles rencontres. Je ne suis pas capable de relancer notre structure aujourd’hui, je n’en ai plus la force. Par contre, vous le pouvez, si vous le décidez. Je vous apporterai une aide financière, et vous enverrai des personnes compétentes dans tous les domaines. Si vous le voulez, reconstruisez. Enfin, une pensée pour celle qui a péri par le feu, morte d’être trop passionnée, morte parce que notre projet l’a aidée. À bientôt, amis. »
Sans me retourner, je partis, cachant mes larmes à ceux qui m’avaient soutenu. Je savais que je reviendrais bientôt. Pour l’heure, je pris repos chez un ami qui me laissa lire sa bibliothèque, que je parcourus pour les trois lunes passées chez lui. Elle était remplie « de livres de question (cf. la philosophie centaurique) » très peu diffusés, dont certains écrits de sa main, qui compilaient des raisonnements sur divers thèmes. Je me pris de passion pour son ouvrage La prospérité sereine, qui défendait l’idée que les peuples ne pouvaient vivre heureux et ensemble qu’en période de paix, et que les progrès scientifiques, culturels et agricoles ne s’étaient toujours faits que lorsqu’une paix durable avait eu cours dans le monde. Le dernier chapitre s’ouvrait sur la situation actuelle à Tab Hâ, et m’interrogea beaucoup. Mon hôte m’expliqua que l’île, à des jours et des jours de bateau de chez nous, vivait une véritable guerre civile. En fait, ceux qui n’avaient aucun contact avec des érudits ignoraient tout de la situation des Élémentaires restés dans leur pays natal...
Un soir, le Centaure qui m’accueillait me tendit une lettre, récupérée chez moi. Elle annonçait la mort de ma mère. J’eus soudain une illumination. Peu à peu, le monde se dévoilait à moi. Je sentais que j’avais une mission à l’égard des peuples. Une mission bien modeste, certes, mais existante. J’étais reposé, il me fallait quitter mon hôte et le quartier où je m’étais terré trois lunes durant. Je le remerciai longuement, avant de redécouvrir les rues de Qul-Bard.
En ville, je découvris qu’un nouvel édifice avait été inauguré, nommée « la grande maison ». Un grand nombre de gens s’y pressaient. À mon arrivée dans le bâtiment, une vieille Naine s’approcha de moi.
« Ho, regardez qui est là.
— Mishva, que penses-tu de notre nouvel atelier ? On y a ajouté quelques inventions ! Par exemple, on ouvre la porte à ceux qui voudraient recruter ceux qui ont appris un métier ici ! Génial non ?
— Vous êtes incroyables. Finalement, je ne faisais pas le poids, dis-je d’un sourire ému.
— Eh, tout ça, c’est grâce à toi ! »
Je me souviendrai toujours de ce jour, où chacun a pleuré d’émotion, et rit d’une franche joie. La colère de l’incendie était passée, et des ruines de l’atelier naissait quelque chose de plus fort encore. Il était temps pour moi aussi de pardonner, désormais.
Après quelques jours de vie joyeuse au milieu de la grande maison, je me mis en route vers ma ville natale. Le voyage avait été rapide, d’abord parce que je n’avais pas cherché de baies sur la route, car j’avais préparé des vivres. Ensuite parce que je n’avais pas contemplé le paysage. C’est donc en ayant filé tout droit que je retrouvai mon frère endeuillé, près des champs que nous avions cultivés plus jeunes. Un cercle de pierre marquait le souvenir de ma mère, dont la dépouille avait probablement été remise à la terre.
« Mishva, tu es venu ? Comment, pourquoi ?
— Ben, pour l’enterrement de maman, enfin.
— Mais... tu n’es pas fâché contre elle ?
— Tu sais, j’ai réussi à pardonner à des vivants qui ont détruit ce que j’ai construit. Alors pardonner à une morte qui m’a donné la vie, c’est assez facile, dis-je de manière spirituelle, avec une légère grimace cependant.
— Bon, que fais-tu de ta vie ?
— Je suis médecin, frérot !
— Génial, où ça ?
— À Âl-Hudud.
— Ah, c’est une jolie ville, n’est-ce pas ?
— Ouais, ça manque un peu d’animation.
— Sans doute. Passe à Qul-Bard un jour, ce sera autre chose. »
Je passai quelques jours aux côtés de mon frère, à qui la mort de ma mère semblait peser beaucoup.
Puis je repris la route, vers l’est. Pendant cinq années, je choisis l’érémitisme, loin de tout, au milieu des plaines centauriques. En me nourrissant de baies et en faisant le bilan de ma vie mouvementée, je... perdis beaucoup de poids, certes. Mais j’ai surtout découvert que ma vocation était d’aider les gens. Il semblait que c’était la chose dans laquelle je réussissais. Pas toujours bien sûr, mais le mieux. En fait, je n’avais utilisé mes herbes de persuasion que deux fois, en y repensant bien. Alors, je devais m’en servir avec mon art oratoire pour la paix et le bonheur des autres.
Oyez mon histoire, amis du monde entier. Enfin, si vous le souhaitez. Je ne suis pas du genre à forcer les gens... je vous raconte si vous voulez ! Vous avez le temps ? Bien !
Chapitre I : Grand-père les a vaincus, disent-ils... [959-967]
Cela est mon enfance, dans le souvenir de la révolution.
Je m’appelle Mishva et je suis né en 959, à une demi-journée de Yehvan, dans les grandes plaines des Centaures. Heureusement quelque chose vient donner un peu de goût à cette naissance incroyablement quelconque. Le père de mon père s’appelle Neïta. Neïta des Lances-de-sang, l’un des grands leaders de la révolution armée des Centaures, en 928. Il a d’ailleurs été convié lors de la distribution des terres, avec une trentaine d’autres chefs de clan, par l’Empereur de l’Ouest lui-même.
Voilà pour les présentations. Alors, comment ça se passe, quand on est un héritier d’un révolutionnaire gagnant ? Ah, quoi que l’on en dise, cette bataille-là a été gagnée par les Centaures, je l’assure : en douze ans, c’est une terre presque aussi grande que Fröstburg qui a été récupérée ! Malgré cela, mon père n’était pas un heureux vacciné du conflit. Bien au contraire, ma mère, qui était tombée amoureuse du digne fils de Neïta, formait avec mon père un couple de révoltés permanents. Non contents des terres accordées à leur génération, ils persistèrent à croire que les nations hiérarchisées sont ennemies de la liberté. Alors j’ai connu ce chant, répété sans cesse pendant mon enfance, qui trotte encore dans ma tête : « Qui nous a enfermés ? L’Empire !
Et pour nous libérer ? Neïta, Folir !
Comment ? Leur sang !
Pourquoi ? La paix !
Quand ? Maintenant !
L’avenir ? À nous ! »
Neïta et Folir, deux figures de la révolution, étaient adulées par mes parents. Quelque chose me semblait sonner faux dans la chanson, et je compris pourquoi bien plus tard. La dernière rime ne collait pas du tout. En fait, l’avenir ne devait pas être « à nous », mais « en paix »... La version retenue par mes parents était guerrière. Je ne savais pas cela, mais déjà j’éprouvais plus d’effroi que d’admiration pour les récits de bataille de mon grand-père.
Peut-être vous demandez vous comment vivaient mes parents ? De manière assez conventionnelle, ils avaient un champ, comme la plupart des Centaures, où ils cultivaient leur nourriture. Leur autre occupation était la création d’armes alchimiques, mais pas destinées à la vente : deux fois par semaine, mes parents déposaient une dizaine de pierres explosives dans un dépôt qui appartenait à l’illégale société du rêve.
Les membres de l’association terroriste étaient en effet de grands amis de mes parents, qui les soutenaient avec conviction, sans pour autant prendre le risque d’adhérer en tant que membre. Régulièrement, nous nous regroupions avec quelques familles dans les plaines, faisions un grand feu, et les adultes expliquaient aux enfants que l’ère du peuple viendrait, que c’en était fini des tyrans. Puis étaient jetées au feu des représentations du Roi et de l’Empereur, ou des symboles de leur pouvoir (des bijoux volés à de riches humains, des vases,...). J’avoue que j’avais du mal à m’amuser à ces « fêtes ». De mes yeux d’enfants, je ne trouvais pas gentil de détruire les portraits d’autrui. De surcroît sans le connaître ! À l’occasion de ces rassemblements, j’ai découvert l’alchimie et du même coup les pouvoirs de mes parents : on allumait les feux avec des pierres explosives. Je suis bien obligé d’admettre qu’ils avaient le sens du spectacle.
Chapitre II : Le Centaure aux six sabots. [967-972]
Chronique d’un apprenant raté, qui se passionne pourtant.
À mes 8 ans, l’âge était venu de m’instruire des traditions centauriques. Lesquelles ? Eh bien, si vous me permettez d’emprunter cette expression dont les Nains ont le monopole, l’artisanat ! Soit la médecine (qui va de pair avec la couture) et l’alchimie, dans mon cas. J’eus deux enseignants forts différents. D’une part, un ancêtre rigide et humiliant, qui avait déjà dépassé l’espérance de vie des Centaures, m’enseigna la médecine. J’avoue avoir vite laissé tomber, et j’ai dû me montrer, au bout de quelques mois, plutôt insolent. J’échouais systématiquement, et ne m’appliquais pas particulièrement. Cet enseignement ne dura que deux ans, après quoi le vieillard se sentit trop vieux pour faire quoi que ce soit, et finit ses jours loin de ma vue. Il ne fut pas remplacé, si bien qu’encore aujourd’hui, mes compétences en médecine se bornent à la désinfection et la suture des plaies. À l’opposé de ça, je fus instruit en alchimie par une jeune membre de la société du rêve très sympathique, qui devait être de dix ans mon aînée, et j’ai découvert les différents aspects de cet art. J’appris que la particularité des créations alchimiques était leur nombre d’utilisations limité, et qu’il y avait deux grandes familles de recettes : en gros, les potions à base de plante et les cailloux enchantés. Je me pris de passion pour l’alchimie, je trouvais cela fascinant ! Chaque jour, ma tutrice me faisait découvrir des recettes, si bien qu’au bout de cinq ans, je connaissais le nom de toutes les plantes et de tous les minerais aux alentours de Yehvan. En pratique pourtant, j’étais un piètre alchimiste. Si j’eus quelques succès sur des créations fort simples (le baume de conservation des aliments, les graines de bonne haleine,...), j’échouais dès qu’il s’agissait de choses plus compliquées. Mon instructrice ne se décourageait pourtant pas, et constatait que j’y mettais une volonté hors-norme ! Si je ne me souviens pas d’avoir eu une fois l’oreille de mon maître en médecine, le dialogue était, avec elle, quotidien ! Et pourtant, la maîtrise n’y était pas. À la fin des cinq ans de mon apprentissage, j’étais le plus mauvais des apprentis alchimistes de Yehvan.
Conjointement, il était un art que je maîtrisais, et il n’était pas peu dire que j’étais, en celui-ci, tout à fait autodidacte ! Dans l’art de la langue, j’étais excellent. La maîtrise à la fois oratoire et littéraire de la langue humaine, qui quoi qu’on en dise était de toute façon celle des Centaures, depuis toujours, m’a valu diverses remarques. On disait que je parlais comme un humain, et que mes mains étaient semblables à des sabots, tant j’étais mauvais en alchimie et en médecine. J’étais empathique, et me retrouver moqué (y compris par mes parents) et seul était particulièrement douloureux...
Chapitre III : Cultiver des salades en attendant la révolution ? [début de l’été (septième lune) 972]
Pour l’aventure épique, c’est mal parti. Quoique ?
Insulté, mis à l’écart, cultivant des salades et transportant les armes que mes parents fabriquaient jusqu’au dépôt de la société du rêve. À 13 ans, je suivais malgré moi le chemin de mes parents : se nourrir et s’armer jusqu’à la prochaine révolution. Quel sens cela avait-il ? Je commençais à comprendre des choses, j’étais presque adulte après tout. Si je n’avais pas subi la dureté de mes congénères, j’aurais réalisé dès lors que le monde me convenait. Contre quoi mes parents se battaient-ils ?
« Ho, Mishva !, beugla mon père alors que je formais une pile de sacs de légumes.
— Oui ? crains-je en me retournant vers lui.
— Tu parles bien, toi, hein ? Pis t’sais écrire aussi ? Viens voir ! Allez, grouille-toi ! »
La mine de mon père n’était pas particulièrement sévère, relativement à son habituelle dureté. De surcroît, il semblait avoir besoin de moi. Deux très bonnes raisons pour le suivre de bon gré. Et j’avais tout à fait raison. « Mishva, t’es grand maintenant. On peut t’donner des bien belles missions. Ta mère et moi on vient d’décider qu’t’allais voir du pays. T’vas écrire ce qu’on te dit, pis lire ça mot pour mot à notre cousin Phanam, à Tildnis. J’aurais bien été, mais à mon âge, j’ai autant de chances de caner su' l’route que d’revenir sain et sauf. T’es jeune, tu peux le faire. »
Et ainsi, mes parents me firent écrire, avec une absence totale de solennité, le message. Et ils m’envoyèrent aussitôt à travers le pays, avec un contact dans une auberge près de Âl-Hudud. J’en avais pour un peu plus d’une lune, en galopant à bonne allure, jusqu’à Tildnis. La missive était loin d’offrir des salutations familiales : Cousin des Lances-de-sang, quelles sont les nouvelles ici ? Nous n’avons point d’activité autre que la culture des champs pour le moment. À quand la prochaine rébellion ? L’heure de combattre est venue ! Tildnis la grande sera-t-elle à nouveau le centre du monde ? Nous attendons avec impatience de faire couler le sang à nouveau.
S’ensuit un périple qui changea ma vie. De Yehvan à Âl-Hudud, la route fut calme, et pour cause. J’y ai découvert l’immensité des plaines centauriques, ainsi que l’absence de tout peuplement. De temps en temps, je croisais quelques Centaures en voyage, mais même pas chaque jour. Pas la trace d’une habitation ni d’un champ. Je me nourrissais de baies et dormais à même les plaines. Je cavalais toujours vers le nord, notant sa direction avant de m’endormir. Je découvrais que la majorité du territoire de la Chironie était vide. Et je me suis questionné longtemps sur la gloire des révolutions. Je découvris plus tard qu’en fait, les Humains avaient cédé assez facilement leurs plaines inexploitées aux Centaures, une fois le bannissement de notre race aboli.
Chapitre IV : Le groupe de la vigne [toujours la septième lune de 972, 10 jours plus tard]
Après la découverte du pays, se découvrir soi-même.
10 jours de voyage ! J’avais battu un record de vitesse, à mon avis. Les plaines étaient faciles à parcourir, et la fougue de ma jeunesse confrontée aux grands espaces avait décuplé ma capacité à voyager. Il n’empêchait qu’en entrant dans Âl-Hudud, j’avais vraiment faim. La nourriture sauvage ne valait pas les produits de l’agriculture, sans compter que tous les Centaures que j’avais croisés étaient eux chargés de vivres. Une fois de plus, mes parents avaient oublié d’être doux et prévenants, mais c’était tant la routine que je ne m’en rendais même plus compte. J’eus vite trouvé mon hôte, qui habitait au cœur de la ville et était assez connu. Il se nommait Maccad des Tueurs-de-roi et tenait une grande auberge, chose peu courante pour un Centaure, mais cela s’expliquait par l’accueil qu’il faisait aux Centaures. Son nom m’a d’abord évoqué l’effroi des révolutions, et je me sentis à nouveau mal à l’aise. Ma nuit fut tout à fait spéciale. J’avais déjà dormi sous un toit, même si ce n’était pas la coutume familiale, mais je n’avais jamais dormi à l’étage. C’était tout à fait amusant, et j’ai même dormi les sabots sur des petits coussins. Le lendemain, Maccad me raconta son parcours. Si dans un premier temps, j'écoutais avec respect, je me pris de passion pour son parcours et posais bien vite des questions. En fait, son père avait été, avec mon grand-père, un des leaders emblématiques de la révolution de 928. Son nom m’évoqua immédiatement quelque chose, puisqu’il était cité dans la chanson de mes parents : le père de Maccad était Folir lui-même. C’est d’ailleurs Folir qui a renommé son clan « Tueurs-de-roi », tout comme Neïta avait renommé le nôtre. Maccad, lui, avait suivi une voie tout autre que son père. À l’âge adulte, il avait consacré sa vie à la médecine et à la philosophie, s’intégrant dans un groupe de débat qui n’existait plus alors qu’à Qul-Bard, et recréant le groupe local à Âl-Hudud.
Le groupe de la vigne était l’œuvre centrale de la vie de Maccad. Cette association s’intéressait aux relations entre les gens, et regroupait, comme pour chaque groupe de Centaures, des penseurs d’opinions divergentes. J’y découvris des personnalités formidables, parfois loin des traditions centauriques. Comme moi, certains préféraient la littérature aux travaux des champs. D’autres encore, et je pus le comprendre en les interrogeant, détestaient l’alchimie ! Mais ces gens semblaient vraiment vivants lorsqu’ils prenaient la parole face au public, pour débattre. S’il existait probablement mille conceptions de l’interpersonnalité, ici trois grandes croyances étaient représentées. D’une part, il y avait ceux qui ne croyaient pas au mélange des races, et souhaitaient que chacune vive à part, ignorant les autres ou commerçant seulement, sans mélange. Chez ceux qui souhaitaient la mixité raciale, il y avait deux écoles : certains voulaient la domination de la race des Centaures, les autres croyaient à l’égalité entre les peuples, et au travail collectif. Dans l’incroyable paradoxe de la spiritualité et de la philosophie des Centaures, jamais une réunion du groupe de la vigne n’a dégénéré, chacun tempérant ses propos et reconnaissant les points où l’autre avait raison. Bon, en toute honnêteté, personne n’avait jamais changé d’opinion du tout au tout, mais tout le monde était très explicite sur ses croyances, apportant toujours des arguments intelligents et pas démagogiques. Assez vite, je m’étais fait mon opinion, et je m’étais rallié au camp de ceux qui veulent l’unité et la mixité des races. C’était une trahison faite à mes parents, mais c’était aussi ma première croyance hors de leur influence. C’était là également que j’entendis pour la première fois parler des élémentaires, une race étrange qui serait originaire d’une île très lointaine.
Je passai 7 jours à Âl-Hudud, profitant de mon avance. Avant de repartir, Maccad me remercia (c’était la première fois que l’on me remerciait !) pour le temps que j’avais passé avec lui, et m’offrit dix livres de fruits et légumes, ainsi que douze d’eau. Ces quantités étaient facilement transportables pour un Centaure, et me furent fort utiles pendant l’interminable voyage jusqu’à Tildnis, qui dura 25 jours ! Le désert était extrêmement rude, surtout en plein cœur de l’été, et je fis un nombre incalculable d’arrêts, en plus de marcher à un rythme très faible, excepté le soir et le matin où je progressais plus rapidement, mais presque à l’aveugle. Sans les précautions prises par mon hôte d’Âl-Hudud, j’aurais terminé ma vie à 13 ans, enseveli dans le désert brûlant. Tildnis m’ouvrit enfin ses portes (enfin, façon de parler. Jamais une porte ne sera posée pour fermer une ville centaurique, c’est une aberration tout à fait humaine ou naine). La ville semblait déserte. Contrairement à la facile découverte de Maccad, il me fallut plusieurs heures de recherche pour trouver Phanam, apparemment inconnu des quelques âmes de l’immense ville.
« Bonjour, monsieur, je suis le fils de Mourd et de Shaarah. J’ai un message pour vous.
— Bien, bien, toussota-t-il après avoir lu le message. Tu as fait bon voyage mon garçon ?
— Bof, c’était pas très amusant sur la fin.
— Eh, nos sables n’attirent plus grand monde. Dire que nous étions la plus grande ville du monde...
— Monsieur, il n’y a pas d’étage ici, n’est-ce pas ?
— Bien évidemment que non mon garçon. Il n’y a que des constructions faites pour nous, à Tildnis. De toute façon, il n’y a pour ainsi dire que des Centaures ici. Bon, je vais devoir te renvoyer à tes parents.
— Sans message ?
— Si, si, s’excusa-t-il avec une nonchalance hors norme. En fait, je n’ai pas de réponse satisfaisante à leur donner. Tu pourras leur témoigner de tes yeux que tu as vu ce qu’est devenue Tildnis : une coquille vide. Certes, le quartier général de la récente société du rêve se trouve ici, mais la révolution ne fait plus rêver personne. Vous êtes bien à Yehvan, non ? Vous cultivez vos terres, vous avez la paix et la liberté. Qui irait risquer sa vie et celle de sa famille pour obtenir plus de droits que ceux qu’on a déjà ? Que nous faut-il de plus ? Allez, dors ici mon grand, repose-toi avant de repartir. »
Le lendemain, je fus chargé de poissons par le cousin Phanam, qui m’indiqua un itinéraire plus rapide, directement vers Yehvan. J’avoue que j’étais un peu déçu de ne pas repasser voir Maccad, mais l’idée de passer moins de temps dans le désert suffit à me convaincre. En route, je goûtais donc les premiers poissons de ma vie. C’était quelque chose de tout à fait particulier. À la fois moelleux et ferme, je retins de ce voyage que le poisson donnait mal au ventre, mais qu’il nourrissait. Ce désagrément intestinal était compensé par la route fantastique du cousin de mes parents : non seulement les paysages étaient encore plus variés qu’à l’aller, avec quelques collines et bois tout à fait jolis (et d’ailleurs proposant des fruits autres que les classiques baies des steppes), mais en plus je ralliai Yehvan en seulement 25 jours, soit autant que de Âl-Hudud à Tildnis à l’aller.
Le message ne ravit pas du tout mes parents, complètement dépités à l’idée que la lutte cessait. En cette fin d’été 972, les anciennes passions révolutionnaires de mes parents semblaient faiblir, et j’avoue que cela ne me semblait pas un mal. Dans les lunes qui suivirent, peut-être par contrecoup, mon père attrapa de violentes douleurs articulaires, et sembla vieillir prématurément. À la fin de l’automne, mon père avait perdu l’intégralité de ses cheveux. Au 3e jour du printemps de l’année 975, nous l’enterrâmes. Ma mère pleura beaucoup, je ne versai pas une larme, l’esprit occupé à bien autre chose. Je voulais continuer à parcourir le pays, et pourquoi pas le monde ?
Chapitre V : La lune harmonique [4ème lune de 980]
Où les représentations du monde développées à Âl-Hudud deviennent palpables
J’avais célébré ma majorité (qui, en fait, ne change pas grand-chose chez les Centaures) un an avant le décès de mon père, et les cinq ans qui suivirent furent semblables à un retour en arrière. J’étais retourné aux champs, pour seconder ma mère qui avait perdu la principale force de travail de la famille. Ah, j’ai oublié de présenter ma famille ! Ben, il y a mes parents, le défunt Mourd et Shaarah, que vous connaissez déjà, et mon petit frère Krâdkrêdkalarang, qui a dix ans de moins que moi. Son nom est relativement absurde, il paraîtrait que c’est le nom d’un célèbre Centaure, qui aurait combattu les Humains avant même le bannissement. Mon interprétation, c’est que son nom ne nous est pas parvenu correctement. Mais peu importe ! Ce frère, qui, tout à mon contraire, développa une admiration pour mes parents, était devenu un jeune homme fort et efficace aux champs, ce qui permit de réviser un peu mon alchimie, ainsi que de prendre des vacances chez Maccad à l’hiver 977. Et c’est encore une fois mon cadet qui me permit de me rendre à la lune harmonique, qui se déroula en 980 en Chironie, à Qul-Bard ! Étrangement, je n’avais pas encore ressenti le besoin de quitter les terres de mon enfance, mais la réaction négative de ma mère à l’annonce de ma participation à cet évènement, qui m’accusa de parricide et de trahison à la nation, déclencha probablement une étincelle d’émancipation en moi.C’est donc chargé de quelques économies, issues de ventes agricoles, et sans avoir prévu où j’allais dormir, que je pris la route de Qul-Bard, ville qui m’était alors tout à fait inconnue. Je ne savais non plus précisément le jour où je rentrerais, puisque cela dépendrait de ce que j’aurais comme nourriture contre mes économies. Seulement huit jours de marche furent nécessaires pour rallier la ville du sud. Je préférais d’ailleurs son climat froid à l’insoutenable chaleur du nord. La ville était splendide et déjà en effervescence à mon arrivée relativement matinale. Des estrades se montaient, prêtes à accueillir des orateurs, et des caisses alignées servaient de supports pour les marchands venus du monde entier pour exposer leurs produits. Je me souviens avoir déambulé dans la ville jusqu’au zénith (et même un peu après), découvrant des choses formidables : l’exotisme des Terres Bleues nous amenait la noix de coco, un fruit qu’il fallait briser avec des outils de forgeron, et qui révélait une chair dure et blanche ; la magie des Nains nous était prouvée avec un guerrier qui lançait son épée au loin, puis la faisait revenir d’un claquement de doigts. Tout cela était merveilleux, si bien qu’en lisant un programme de la journée placardé sur une taverne, je me rendis compte que j’avais raté le début de la cérémonie qui se tenait sur la grande place de Qul-Bard. Cavalant au milieu des rues de la ville, je rejoignis la foule alors qu’un grand Centaure venait de descendre de la scène. Plusieurs orateurs se succédèrent, annonçant les temps forts de la lune. Vint le temps de clore la cérémonie, et on remercia les organisateurs de cette foire mondiale. Quelle ne fut pas ma surprise d’entendre le nom de Maccad évoqué, comme éminent philosophe ! Traversant la foule, je réussis à le rejoindre à sa descente de l’estrade. « Mishva, quel plaisir de te voir !
— Plaisir partagé ! Alors, on va avoir le droit à des débats ici ? Avec les Humains et les Nains ?
— Et même les Élémentaires ! me dit-il en pointant un être composé entièrement de terre du doigt.
— Génial ! C’est la première fois que je vois un Élémentaire. Alors, ça se passe où ?
— Doucement Mishva, les débats ne commencent que demain. Tu n’as pas écouté ce qu’il s’est dit ?
— Euh... j’ai raté le début. Alors, qu’est-ce qu’il se passe aujourd’hui ?
— Quelque chose de bien plus rare que des débats de Centaures ! Mulgaran l’Impassible et Wiss Dini Naja vont se rencontrer, et prendre la parole aux côtés de quelques Centaures. »
Sur ces mots, un cortège impressionnant, annoncé par des trompettes, arriva. La quarantaine de gardes entoura la scène, où cinq Centaures, le roi de Givre et l’Empereur prirent place. Tour à tour, les représentants prirent la parole. Les Centaures la prenaient d’ailleurs tour à tour, dans le respect de notre absence de hiérarchie. Maccad me chuchota qu’il était rare de voir des Centaures s’adresser aux souverains, avant de me lancer un large sourire.
« Bienvenue sur nos terres, seigneurs étrangers. »
Des huées se firent entendre dans la foule, et un Centaure chargea. Il fut rapidement arrêté par quatre gardes, et fut exclu de l’assemblée. Les orateurs en firent fi.
« Merci à vous, peuple centaure. Ma fierté d’être ici est sans bornes. Nous vivons un jour historique.
— Mon Royaume salue également l’initiative. Et apprécie qu’enfin un Empereur soit tourné vers la religion. Tes prédécesseurs étaient de mauvais incroyants. Et j’espère que tes successeurs te ressembleront. N’oubliez pas, peuples du monde, que la religion, quelle qu’elle soit, est l’âme du monde.
— Nous devrons construire la paix de demain, amis. Notre peuple n’a plus en lui le moindre désir de révolte, et aujourd’hui nous voulons construire un monde ensemble. Et vive les nations unies !
— Merci à toi, frère Centaure. Rappelons à nos peuples ce qui vient d’être fait : aujourd’hui, un accord tripartite a été signé entre le Royaume, mon Empire et la Chironie. La ville de Qul-Bard a été désignée comme zone de commerce majeure, et recevra bientôt quelques milliers d’aurums de nos nations, en échange de quoi elle interdira en son sein l’échange d’armes et les frais douaniers.
— Bien dit, Empereur. »
Et aussitôt, ils redescendirent de l’estrade, ayant chacun donné deux phrases à entendre à une foule subjuguée par l’aura de pouvoir qui entourait ces personnages, bien que quelques athées aient été outrées du discours de Mulgaran. L’histoire donnera tort à Mulgaran, qui verra après Dini Naja des empereurs bien moins pieux. Les historiens, eux, enjoliveront beaucoup ce discours, qui ne se révéla que promotion d’un accord commercial, loin d’un « Discours d’unité des peuples », comme certains l’appelleront, à tort, plus tard.
Le soir venu, Qul-Bard était toujours animée, mais bien froide au niveau des températures. Je me réfugiai à l’abri prévu pour protéger du vent les Centaures qui aimaient dormir dehors. Avant de m’endormir, j’eus le temps de réfléchir à ma journée. Il m’avait fallu 21 ans pour voir de mes yeux toutes les races connues. J’avais également vu les personnes les plus puissantes du monde, d’ailleurs côte à côte. Quelle folle journée ! Je consacrai les jours qui suivirent à écouter les différents groupes de débats qui échangeaient dans la ville, avec souvent des Humains qui se mêlaient aux penseurs Centaures. Plus rarement, il y avait quelques Nains qui venaient discuter, mais ne restaient pas longtemps : ils avaient une forte tendance à insulter ceux qui ne pensaient pas comme eux, et cela allait à l’encontre de la philosophie de libre expression des groupes de débat.
Je quittai Qul-Bard au quatorzième jour de la lune. Je revenais avec, dans ma pensée, une multitude d’avis nouveaux sur le monde, et dans ma besace une grande variété de végétaux exotiques...
Chapitre VI : Enfin, un succès manuel ! [980-981]
Une année déterminante pour mon émancipation
Mon retour à Yehvan attisa quelques colères de ma mère, et beaucoup de curiosité de la part de mon frère adolescent. Ma génitrice écoutait pourtant attentivement ce que je racontais à son autre fils de la lune harmonique. D’ailleurs, elle ne se priva pas de faire une remarque quand j’évoquai le discours d’alliance entre les nations. Outrée, sa colère envers moi muta en une haine viscérale des Centaures qui s’alliaient aux autres races. La lutte contre des illusions reprenait...
Mes premiers mois furent consacrés tout entiers à l’agriculture, histoire de rattraper un peu ce que je n’avais pas fait pendant mon absence (j’étais parti plus d’une lune, en comptant le trajet !). Puis, dès la fin de l’année 980, je travaillai aux champs le matin, et jouais à l’apprenti alchimiste l’après-midi, en essayant, un peu au hasard, de combiner les plantes exotiques que j’avais achetées. Au début de l’année 981, je découvris que certaines plantes étaient molles et extensibles à volonté. J’entrepris donc la création de gommes à mâcher. Jusque là, je n’avais pas eu la moindre difficulté. Il me fallut encore quatre lunes d’expérimentations pour donner diverses propriétés à ces gommes : résistance au froid, au chaud, coupe-faim, augmentation de la force... j’étais allé piocher des effets faciles à réaliser (bien que peu puissants) dans des livres de recettes pour débutant, et avait réussi à les transposer à ses gommes. C’était assez agréable à consommer, et on pouvait les garder (ainsi que l’effet) des heures en bouche.
C’est au début du printemps 981 que j’entrepris de partir pour Qul-Bard. Annonçant à ma mère cela, je notai l’étrange consentement de ma mère. En fait, c’était tout à fait improbable que ma mère accepte avec autant de facilité mon départ pour cette ville contre laquelle elle pestait chaque jour. J’avais en fait réalisé un chef-d’œuvre, ma première réelle réussite alchimique (les gommes devant leur succès aux produits exotiques découverts). Ma création était tout à fait unique : les herbes de persuasion. C’est le fait de ne pas attraper la colourite, et d’avoir plusieurs fois convaincu des personnes en mâchant cette gomme qui avait l’air sans effet, qui me fit découvrir les effets de celles-ci. En fait, mâcher cette chose déclenchait l’empathie des autres, et leur permettait de se mettre facilement à ma place lorsqu’ils me parlaient. L’effet était en réalité assez faible, je ne pouvais pas manipuler à loisir des gens, simplement les ouvrir à mes croyances, leur transmettant avec force mes convictions. Ils ne changeaient pas du tout au tout, mais ceux qui m’écoutaient pouvaient tempérer leurs positions, voire s’ouvrir à quelque chose qui leur était jusqu’alors inconnu, avec immédiatement une oreille intéressée.
Chapitre VII : Les marchés de Qul-Bard [981]
Ou la découverte de mon destin
À Qul-Bard, je sus prendre rapidement contact avec des marchands des Terres Bleues qui rapportaient les ingrédients qui m’étaient nécessaires pour fabriquer les gommes que je comptais vendre lors des marchés de la ville. M’installant dans une des avenues principales de la ville, qui donnait sur la plus grande place, je sus rapidement développer mon commerce, si bien que je m’affranchis des marchés temporaires pour vendre tous les jours. Il semblait que la gomme à mâcher existait déjà... mais elle n’avait aucun intérêt autre que gustatif jusque là. Les miennes étaient autrement plus intéressantes. Bien entendu, mes gommes ne connurent pas une gloire internationale. J’étais recommandé par mes plus fidèles clients comme une « boutique pittoresque, un des charmes de Qul-Bard ». Je gagnais au moins trois fois plus de deniers qu’en travaillant à la ferme, et pour un effort bien moindre. Je pus me faire quelques amis, et il n’était pas rare que je discute des heures avec un client peu pressé et très bavard. Il était néanmoins une chose que je me refusais à vendre : je gardais mes herbes de persuasion pour moi, n’en faisant d’ailleurs aucun usage, même personnel, pendant mes premiers mois de vente.À l’automne, une bagarre d’une violence inédite éclata, entre Nains et Humains de la ville. Le nouvel Empereur rompait avec la tradition religieuse de son prédécesseur, et Mulgaran était à nouveau hostile à l’égard des Humains. Si bien que les partisans de l’Empereur se montraient particulièrement agressifs à l’égard des Nains, qui n’avaient pas l’habitude de se laisser marcher dessus. Poussé par une impulsion soudaine et par l’immobilité de la foule environnante, je plongeai au cœur du conflit, tapant des sabots et criant à grand fracas.
« Qu’est-ce qu’il nous veut, le demi-cheval ?
— Amis, amis. Qul-Bard a toujours été le carrefour de nos peuples. Et par carrefour, j’entends le croisement paisible de nos modes de vie.
— Qu’est-ce que j’y peux, si les Nains sont tous à moitié tarés avec leur religion ?
— Eh, du calme Humain. Déjà, on n’est pas tous croyants. Ensuite, c’est pas de notre faute si votre Empereur change toutes les deux lunes. »
Je tentai le coup de prendre quelques herbes de persuasion. Les combats s’étaient arrêtés, pour céder la place à un dialogue extrêmement tendu.
« Doucement, doucement. Déjà, leur Empereur reste 9 ans au pouvoir, c’est ça ?
—10 ans, abruti.
—10 ans, 10 ans, pardon. Il a tout dit, en disant que ce n’était pas de sa faute. Les Nains ne sont pas responsables des conflits entre dirigeants. Imaginez-vous à ma place, je n’ai même pas de dirigeant au-dessus de moi. Nous, les Centaures, on ne débat que de choses qui nous concernent strictement.
— Tu dis qu’on est tarés ?
— Non, non et non. Bien entendu, les chefs politiques occupent un grand rôle dans chaque nation, dis-je sans savoir que je ne connaissais pas l’anarchie qui régnait à Tab Hâ. Mais on ne peut pas opposer les conceptions de chaque pays. Il ne te viendrait pas à l’idée de te battre contre nos leaders, à nous Centaures, puisqu’ils se comptent par dizaines, et qu’ils ont mille avis différents ! Alors comment veux-tu te battre contre...
— Notre roi, qui gouverne à vie, et n’est pas élu comme le vôtre ? Le Centaure a raison, Humain. Il faut comparer ce qui est comparable. Est-ce que, comme moi, tu crois que nous ferions une bonne affaire si je posais une jolie porte en fer chez toi, bien mieux que toutes ces portes en bois, pour 8 deniers ?
— Bien entendu, mais je sais aussi que les Nains sont durs en affaire. 7 deniers et l’affaire est conclue. »
Le Nain, qui semblait résolument dans une démarche de paix, conclut la vente avec un large sourire. J’avais résolu mon premier conflit, bien aidé par ce menuisier loin des clichés des Nains bourrus que l’on relayait sans prendre garde.
Le jour suivant, on vint me chercher dans l’arrière-boutique, au début de l’après-midi. Le Nain de la veille me mena sur la grande place, me fit monter sur une estrade, devant une immense foule.
«Amiiiiiiis de Qul-Bard. Je n’arrive pas à contenir ma joie ! Vous devez me connaître, ou au moins connaissez vous quelqu’un qui possède une de mes créations. Je suis Dreyva le Sculpteur, plus vieux menuisier de la ville ! Et je ne viens pas devant vous sans rien. Je vous présente le Centaure qui m’a sauvé la vie.
— Si, si ! Hier, un regrettable incident s’est produit ici même. C’était jour de marché, et l’élection de l’Empereur humain était dans toutes les têtes. Tellement que la tension est montée, montée... et les coups ont fusé. Sans ce Centaure, sans doute y aurait il eu moult blessés. Et à mon âge, prendre un coup peut être mortel, croyez-le bien. J’ai 194 ans, rendez-vous compte ! Constatez que je tiens la forme ! Allez, je ne vais pas raconter ma vie ! Faites-moi le plaisir d’applaudir...
— Mishva, chuchotais-je, impressionné et confus. »
Et plusieurs centaines de personnes m’acclamèrent. On me remit une jolie médaille artisanale, qui me certifiait citoyen d’honneur de la ville de Qul-Bard. Le titre était en général remis aux personnalités connues de la ville. Ce n’était pas vraiment un intitulé exceptionnel, et je le savais, mais la reconnaissance de mon acte de paix me remplit de joie. Je mis la médaille sur ma devanture, et cela multiplia mes ventes dans les jours qui suivirent.
Chapitre VIII : L’atelier des savoirs [981-990]
22 ans, l’âge de me mettre au service des autres.
Cette nouvelle popularité remplit rapidement mes bourses de deniers. Attention, je n’étais pas devenu l’équivalent d’un riche artisan nain, du genre à posséder plusieurs maisons et un domaine viticole. Non, j’avais de quoi vivre paisiblement, en ralentissant mon rythme de travail. J’aurais pu faire cela, si j’avais été égoïste. Mais ma nature me tournait toujours vers l’altérité. Et je décidai d’entreprendre un grand projet, avec quelques amis du groupe de la vigne local : nous allions créer l’atelier des savoirs. Une grande partie de ma nouvelle richesse fut investie dans l’achat et l’équipement d’un grand bâtiment, dans un des quartiers les plus pauvres de Qul-Bard. Nous y avons installé différents outils, permettant de s’exercer à une multitude de métiers. L’atelier ouvrit en été 981. L’idée était assez révolutionnaire : chacun pouvait utiliser des ressources, mises gratuitement à la disposition de tous. Ces ressources n’étaient pas seulement des outils. Nous proposions aussi d’apprendre à se servir de ceux-ci ! Au début du projet, certains grands spécialistes nous ont même soutenus. Cependant, à mesure que le projet se popularisait, mes camarades désertaient : c’était beaucoup trop épuisant à gérer, et il n’y avait pas de rémunération pour leur activité au sein de la structure. Alors, je portai seul le projet.
Quatre ans après l’ouverture de l’atelier, je m’autorisai à le fermer l’espace de quelques lunes, pour retourner voir ma famille à Yehvan, à l’occasion du cinquantième anniversaire de ma mère. L’explication de ma nouvelle vie, même avec des herbes de persuasion dans la bouche, l’a profondément choquée. Je revois encore et toujours son visage pâlissant, et sa colère noire, me hurlant que j’étais devenu l’allié des races impures, et que je pactisais avec eux contre la révolution. Cette fois-là, c’était trop. C’était la dernière fois que je revenais à Yehvan, ma vie en paix à Qul-Bard était cent fois mieux.
Les trois années suivantes furent extrêmement éprouvantes. Gérer l’atelier des savoirs et ma petite boutique, tous deux très fréquentés, devenait difficile. Je n’avais pas de soutien, tous mes amis travaillaient dans autre chose. La plupart étaient bien trop occupés pour m’aider, d’autres n’avaient pas la fibre sociale, si j’ose parler ainsi. La solution se présenta heureusement d’elle-même au bout de trois ans : un ami Centaure qui participait à un groupe de débat sur l’organisation des associations de personnes, qui s’intéressait énormément à l’atelier, m’expliqua qu’une nouvelle façon de gérer les groupes émergeait. Il me parla longuement, et je fus tout à fait convaincu par cette idée de l’autogestion, où les gens géraient collectivement un projet qui devenait commun. Si la première lune sous ce régime fut assez désorganisée et pleine d’appréhension, les anciens membres de l’atelier finirent par prendre en main les explications, et le savoir devint encore plus partagé et partageable. J’étais satisfait de cela, et je sus rapidement passer moins de temps à l’atelier. Juste ce qu’il faut en fait. Dans un premier temps, je devais me reposer...
Chapitre IX : Quand la paix est rejetée... [été-automne 990]
La découverte de la violence du monde.
Le repos fut malheureusement de courte durée. À peine quatre lunes après le début de l’autogestion, un incendie ravagea l’atelier, au crépuscule. Tout fut détruit, et une personne en mourut même. J’étais dépité, mais pas autant que le petit groupe qui vint me voir à la boutique pour m’annoncer la nouvelle : « L’incendie est maîtrisé désormais. C’est une catastrophe. Mishva, nous devons agir. Cet atelier a aidé des centaines de personnes, au cours de son existence ! Moi-même, je t’ai rejoint l’année de sa création. Je ne peux pas supporter l’idée que tout cela se termine. Nous devons reconstruire.
— Nous devons aussi nous venger, Mishva. »
J’eus un long temps de réflexion, en versant quelques larmes. Une gravité tout à fait inhabituelle s’empara de moi.
« Non, mes amis. Voilà comment cela va se passer. Rappelez-vous toujours que cet atelier veut d’abord la fédération des races. C’était l’idée qui prévalait, avec l’aide aux plus pauvres. Cette œuvre est accomplie. Pendant le temps où l’atelier a fonctionné, la paix y régnait. Pensez à tous nos moments de joie ! Se venger, jamais. Ne faites jamais cela, ce serait pour moi comme une annulation de l’œuvre. Comprenez-moi bien, je n’ai jamais rien interdit à personne. C’est la première et dernière fois. Ne nous vengez pas, ce serait trop bête. Il y a déjà eu une vie de trop prise dans cette histoire.
— Reconstruire, alors ? dit l’Humain qui menait le groupe, résigné.
— Je vous donnerai ma décision demain. Bonne nuit. »
Face à mes larmes, le groupe n’insista pas, et sortit sagement. Quel fou dangereux avait pu brûler notre atelier ? Sans même aller voir les dégâts de mes yeux, je m’en tourmentai une bonne partie de la nuit. Je n’avais plus la force de remettre sur pieds un projet de si grande ampleur. Je venais tout juste d’entamer une cure de repos. Une idée germa heureusement, et je pus m’endormir avant que l’aube ne se lève.
C’est en fin de journée, devant l’ancien atelier, tout à fait détruit, que j’annonçai ma décision, face à une petite foule en pleurs : « Bonjour à tous, et tout d’abord merci d’avoir cru en ce projet. Je garde en tête l’image d’un succès, particulièrement sur la fin, et de belles rencontres. Je ne suis pas capable de relancer notre structure aujourd’hui, je n’en ai plus la force. Par contre, vous le pouvez, si vous le décidez. Je vous apporterai une aide financière, et vous enverrai des personnes compétentes dans tous les domaines. Si vous le voulez, reconstruisez. Enfin, une pensée pour celle qui a péri par le feu, morte d’être trop passionnée, morte parce que notre projet l’a aidée. À bientôt, amis. »
Sans me retourner, je partis, cachant mes larmes à ceux qui m’avaient soutenu. Je savais que je reviendrais bientôt. Pour l’heure, je pris repos chez un ami qui me laissa lire sa bibliothèque, que je parcourus pour les trois lunes passées chez lui. Elle était remplie « de livres de question (cf. la philosophie centaurique) » très peu diffusés, dont certains écrits de sa main, qui compilaient des raisonnements sur divers thèmes. Je me pris de passion pour son ouvrage La prospérité sereine, qui défendait l’idée que les peuples ne pouvaient vivre heureux et ensemble qu’en période de paix, et que les progrès scientifiques, culturels et agricoles ne s’étaient toujours faits que lorsqu’une paix durable avait eu cours dans le monde. Le dernier chapitre s’ouvrait sur la situation actuelle à Tab Hâ, et m’interrogea beaucoup. Mon hôte m’expliqua que l’île, à des jours et des jours de bateau de chez nous, vivait une véritable guerre civile. En fait, ceux qui n’avaient aucun contact avec des érudits ignoraient tout de la situation des Élémentaires restés dans leur pays natal...
Chapitre X : ... je choisis le pardon. [990-995]
Je prends acte de l’existence de la violence, et je la combats sans armes.
Un soir, le Centaure qui m’accueillait me tendit une lettre, récupérée chez moi. Elle annonçait la mort de ma mère. J’eus soudain une illumination. Peu à peu, le monde se dévoilait à moi. Je sentais que j’avais une mission à l’égard des peuples. Une mission bien modeste, certes, mais existante. J’étais reposé, il me fallait quitter mon hôte et le quartier où je m’étais terré trois lunes durant. Je le remerciai longuement, avant de redécouvrir les rues de Qul-Bard.
En ville, je découvris qu’un nouvel édifice avait été inauguré, nommée « la grande maison ». Un grand nombre de gens s’y pressaient. À mon arrivée dans le bâtiment, une vieille Naine s’approcha de moi.
« Ho, regardez qui est là.
— Mishva, que penses-tu de notre nouvel atelier ? On y a ajouté quelques inventions ! Par exemple, on ouvre la porte à ceux qui voudraient recruter ceux qui ont appris un métier ici ! Génial non ?
— Vous êtes incroyables. Finalement, je ne faisais pas le poids, dis-je d’un sourire ému.
— Eh, tout ça, c’est grâce à toi ! »
Je me souviendrai toujours de ce jour, où chacun a pleuré d’émotion, et rit d’une franche joie. La colère de l’incendie était passée, et des ruines de l’atelier naissait quelque chose de plus fort encore. Il était temps pour moi aussi de pardonner, désormais.
Après quelques jours de vie joyeuse au milieu de la grande maison, je me mis en route vers ma ville natale. Le voyage avait été rapide, d’abord parce que je n’avais pas cherché de baies sur la route, car j’avais préparé des vivres. Ensuite parce que je n’avais pas contemplé le paysage. C’est donc en ayant filé tout droit que je retrouvai mon frère endeuillé, près des champs que nous avions cultivés plus jeunes. Un cercle de pierre marquait le souvenir de ma mère, dont la dépouille avait probablement été remise à la terre.
« Mishva, tu es venu ? Comment, pourquoi ?
— Ben, pour l’enterrement de maman, enfin.
— Mais... tu n’es pas fâché contre elle ?
— Tu sais, j’ai réussi à pardonner à des vivants qui ont détruit ce que j’ai construit. Alors pardonner à une morte qui m’a donné la vie, c’est assez facile, dis-je de manière spirituelle, avec une légère grimace cependant.
— Bon, que fais-tu de ta vie ?
— Je suis médecin, frérot !
— Génial, où ça ?
— À Âl-Hudud.
— Ah, c’est une jolie ville, n’est-ce pas ?
— Ouais, ça manque un peu d’animation.
— Sans doute. Passe à Qul-Bard un jour, ce sera autre chose. »
Je passai quelques jours aux côtés de mon frère, à qui la mort de ma mère semblait peser beaucoup.
Puis je repris la route, vers l’est. Pendant cinq années, je choisis l’érémitisme, loin de tout, au milieu des plaines centauriques. En me nourrissant de baies et en faisant le bilan de ma vie mouvementée, je... perdis beaucoup de poids, certes. Mais j’ai surtout découvert que ma vocation était d’aider les gens. Il semblait que c’était la chose dans laquelle je réussissais. Pas toujours bien sûr, mais le mieux. En fait, je n’avais utilisé mes herbes de persuasion que deux fois, en y repensant bien. Alors, je devais m’en servir avec mon art oratoire pour la paix et le bonheur des autres.
Chapitre XI : Répandre la paix [995-1008]
La rupture de ma solitude était, d’une certaine manière, brutale. Je partais à la découverte du monde, pour rencontrer ceux qui le peuplaient. Après avoir exploré Sabhar, une ville portuaire qui était encore bien différente des autres villes Chironiennes, car habitée par beaucoup d’Humains, j’entrepris d’explorer l’Empire. J’eus d’abord un premier contact avec la bande fertile, où des champs s’étendaient à perte de vie. Les gens étaient accueillants, et je me rendis compte que la culture de la terre semblait être un art pour eux. À les interroger, ils étaient tout à fait satisfaits de leur condition, la plupart se jugeaient même chanceux.
Je poursuivis la route vers l’université des lettres, et j’en profitai pour découvrir un peu les arts humains. Ne voyant pas le temps passer, j’y suis resté quinze jours ! La prochaine étape de mon voyage était Kentrô. Cette ville était incroyable. La verdure se mêlait aux habitations, et jamais je n’y ai vu une maison à plus d’un étage. Il faut dire que la ville s’étendait sur une surface impressionnante, mais plus on s’éloignait du centre, moins les habitats étaient concentrés. Je profitai de la frénésie commerciale de la ville pour vendre quelques gommes, et recharger un petit peu mon stock de deniers. J’y découvris aussi des merveilles venues des quatre coins du monde, dans un hôtel des ventes splendide. Là s’échangeaient des objets rares, pour ne pas dire uniques : des têtes d’Oubasimba sculptées, des queues de drrrags, des couronnes d’anciens rois...
Après l’Empire, je me rendis sans plus de tergiversations à Fröstburg ! La première ville qui se présenta était Kaden. J’avais entendu, au cours de ma vie, deux avis contraires sur celle-ci : les révolutionnaires amis de mes parents disaient que c’était « la seule ville naine potable », les Nains qui supportaient leur roi m’en avaient parlé comme la honte du royaume. J’allais me faire mon propre avis. En fait, passé le port commerçant assez accueillant, la ville était assez sale et miséreuse. Des mendiants jonchaient ses rues, et les maisons ne payaient guère de mine. Sur une des places de la ville, je découvris un étrange rassemblement. Questionnant un souriant Humain dans la foule, j’appris que c’était Atheika qui prenait la parole, un groupe d’athées qui s’opposait au pouvoir. La prise de parole critiquait virulemment une association qu’on appelait « Les Lumineux ». J’avais lu ce nom chez mon hôte qul-bardien, mais pas moyen de me rappeler de quoi il s’agissait. Outre cela, l’orateur appelait plutôt à la paix, encourageant le libre arbitre et la manifestation pacifique. J’étais ravi de constater qu’ailleurs qu’à la société du rêve, des mouvements s’insurgeaient sans violence. C’est à la bibliothèque de la ville, un peu plus tard, que j’appris qui étaient Atheika et les Lumineux.
Mon dernier voyage me mena à La Forge, en l’an 1008, après treize ans de voyage. Je n’avais pas souhaité me rendre aux Terres Bleues, qui apparemment ne m’auraient offert à voir que des ports, et je n’ai pas pris la peine, parce que j’étais déjà comblé, de voir Tradear. Je me suis néanmoins beaucoup renseigné au sujet de ces deux espaces. La Forge était la capitale naine, et pour cause. Il aurait fallu un autre terme que « ville » pour la désigner. Elle était immense, colossale, gigantesque. Tout à fait propre et habitée de maisons à plusieurs étages, de très belles constructions d’ailleurs, elle contrastait avec la verte Kentrô. La Forge était semblable à une immense usine, où chacun s’affairait et où le bruit était constant. Il n’y avait pas une grande place (qu’est-ce que cela aurait été !) mais une multitude de petits lieux de rassemblements, liés à des quartiers. Ces derniers étaient d’ailleurs fascinants, l’un accueillant les artisans du bois, l’autre rempli de commerces d’épices. Tout juste arrivé de voyage, alors que le jour se terminait lentement, je préférai prendre du repos pour la nuit, dans un abri à l’extérieur de la ville, un peu protégé du bruit.
Le lendemain, je rejoins un rassemblement sur l’une des places les plus fréquentées de la ville, où mille, peut-être deux mille personnes se pressaient. Des artisans nains faisaient démonstrations de leurs créations, ainsi que des mages-artisans. C’était extrêmement amusant et intéressant... jusqu’à l’attentat. D’abord, je n’ai rien compris. Un bruit sourd retentit, de la fumée s’éleva du milieu de la foule, à une vingtaine de coudées de moi. Des gardes nains traversèrent les foules et capturèrent des Centaures, des Nains, des Élémentaires et des Humains aux visages masqués. Certains s’enfuirent pourtant. En approchant du lieu d’où s’élevait la fumée, je compris ce qui s’était passé. C’était un attentat... des cailloux jonchaient le sol, et je compris que les armes utilisées avaient été des pierres explosives, comme celles que mes parents fabriquaient jadis. J’étais écœuré. Dix personnes avaient été tuées, trente autres blessées. Qui avait pu faire ça ?
L’autre chose qui attira mon attention était un Élémentaire qui regardait la scène. Il ne présentait aucune trace d’émoi. La scène ne semblait pas le choquer. J’eus un mouvement vers lui : « Tu n’as pas l’air perturbé, lui dis-je de manière presque agressive, en pleurant à chaudes larmes.
— Bien entendu, Centaure. J’ai quitté Tab Hâ il y a quelques lunes. Là-bas, il y a des meurtres chaque jour, par dizaines.
— Comment ? Mais la guerre n’est-elle pas apaisée ?
— Foutaises. La situation est gravissime. L’exil se réduit seulement parce que ceux qui pouvaient et voulaient partir sont partis. La lutte continue, et ceux qui n’arrivent pas à s’enfuir subissent cela.
— Je veux savoir comment cela se passe là-bas. Dis-moi comment y aller.
— Tu es fou, Centaure. Personne d’autre que les Élémentaires ne vont à Tab Hâ. Vis ta vie tranquillement, prends la chance d’être né dans un pays en paix. »
Sur ces mots, il fuit. Et moi, j’avais pris une décision.
Bien que mon premier interlocuteur Tab Hâïste ne m’ait pas beaucoup aidé, je trouvais à force de prospection un endroit où débarquaient des immigrés, près de Tildnis. De toute façon, la Chironie ne contrôlait pas ses frontières maritimes, et les bateaux emplis de réfugiés affluaient sans grande discrétion. Je me décidai alors à interpeller un capitaine qui faisait la traversée régulièrement.
« Bonjour, c’est quel tarif pour aller à Tab Hâ ?
— Tu sais ce qu’il se passe là-bas ? Qu’est-ce que tu me racontes ? Personne ne va là-bas !
— Si, moi. Alors, quel tarif ?
— Tu es fou, Centaure. Je refuse de te prendre.
— Vingt deniers ?
— Booooooon, discutons un peu. Tu m’as l’air fort riche pour proposer une telle somme d’emblée. Vingt-cinq deniers et c’est parti. »
Je laissais une bourse conséquente à l’Élémentaire qui dirigeait le navire, mais au moins j’allais pouvoir voir de mes yeux ce qui se passait. Je pus discuter avec les quelques membres d’équipage, qui me prenaient pour un fou furieux.
Le voyage m’avait semblé interminable, même sans être malade sur le bateau. Plus d’une lune avait été nécessaire pour rallier l’île. Si le début du voyage avait été plaisant, et la découverte de la mer et de sa faune amusante, les derniers jours, sur une mer agitée et sans savoir quand on arriverait, avaient été très très longs à mon goût. Cependant, l’équipage avait toujours été agréable à mon égard (bien que quelques deniers me furent volés pendant mon sommeil).
L’île de Tab Hâ revêtait une atmosphère particulière. Nous avions débarqué sur une plage au bord de la jungle. À ma droite s’étendait un paysage assez proche des plaines de mon pays, et à ma gauche une forêt de grands arbres, dense et humide, comme il n’en existait nulle part ailleurs. À peine avais-je posé le pied sur l’île qu’un groupe de vingt élémentaires sortit d’une cachette derrière un rocher, et se mit à genoux devant la capitaine. Un dialogue dialectal s’ensuivit, avant qu’ils n’embarquent. Le commandant du bateau me demanda donc si je souhaitais bien rester ici, ce à quoi je répondis avec l’affirmative. Il me regarda avec agacement, me jeta un maigre sac de vivres et me souhaita bonne chance. Alors que le bateau repartait, j’entendis un cri aigu dans la jungle. Une jeune Élémentaire de glace courut hors de la jungle, puis s’effondra sur la plage. Assassinée. Prenant mon courage à deux mains, j’entrais dans la jungle lorsque deux Élémentaires, l’un d’acier et l’autre de terre, me sautèrent dessus et me ligotèrent. Il m’avait fallu moins de mille pas pour que mon voyage prenne un mauvais tournant.
C’était donc désormais en spectateur enchaîné que je découvrais le conflit qui se déroulait sur l’île. Mes geôliers, après m’avoir dépouillé de toutes mes possessions (près de cent deniers et une panoplie d’alchimiste), se montrèrent assez sympathiques avec moi, même s’ils ne parlaient pas ma langue. En tout cas, je ne subis pas de torture. Comprenons-nous bien, j’étais quand même nourri avec des épluchures ou des plantes parasitaires, mais l’on ne m’infligeait pas de violences physiques ou morales autres que la privation de liberté. L’état était quand même difficile. J’avais toujours aspiré à la liberté, et je me retrouvais bloqué, au milieu d’une guerre qui faisait des dizaines de morts chaque jour. Parfois, je voyais des meurtres se dérouler devant moi.
Un jour, mes geôliers furent tués, et leurs meurtriers vinrent me libérer. Après une longue discussion, ils décidèrent de me relâcher. Probablement n’avais-je aucun intérêt pour eux. Ni une, ni deux, c’est vers la côte que je m’enfuis. L’exploration était terminée, j’avais jaugé la situation : une guerre généralisée se déroulait sur l’île. Au passage, je pus récupérer ma besace : mes kidnappeurs n’en avaient rien fait.
Sur la côte, un bateau se présenta au bout d’une journée d’attente. De nombreux élémentaires montèrent à bord, et je demandai au capitaine de m’emmener. Je lui expliquai ma situation, et je n’eus que refus. En mâchant des herbes de persuasion, la situation évolua un peu. Le commandant comprit que j’étais dans une situation de grande détresse, et consentit à m’embarquer à un prix... ruineux. Il a pris tout mon argent, et m’a mis à fond de cale. C’était reparti pour manger des pelures, sans compter que je devais ramer lorsqu’on me le demandait. Le voyage était fort cher, certes, mais le retour au continent assurait que ma vie soit sauvée. Optimiste et content d’être vivant, je ne trouvai pas le voyage si long.
C’est au début de l’année 1013 que mes sabots purent se poser à nouveau sur le sable chaud de Tildnis. Traversant à nouveau le pays, je pris repos à Qul-Bard, où la « grande maison » avait quelque peu évolué. La ville était devenue prospère, et la pauvreté avait fortement diminué. Alors l’héritière de l’atelier était moins fréquentée, mais c’était heureux, parce que le besoin n’existait plus ! Après quelques lunes de repos (et de réflexion), je me remis en action.
La paix était ma dernière mission. J’avais 62 ans aujourd’hui, et je devais agir pour les autres. Et où était l’urgence aujourd’hui ? À Tab Hâ. Ce serait mon dernier combat, le plus noble de tous.
Le monde est si vaste
La rupture de ma solitude était, d’une certaine manière, brutale. Je partais à la découverte du monde, pour rencontrer ceux qui le peuplaient. Après avoir exploré Sabhar, une ville portuaire qui était encore bien différente des autres villes Chironiennes, car habitée par beaucoup d’Humains, j’entrepris d’explorer l’Empire. J’eus d’abord un premier contact avec la bande fertile, où des champs s’étendaient à perte de vie. Les gens étaient accueillants, et je me rendis compte que la culture de la terre semblait être un art pour eux. À les interroger, ils étaient tout à fait satisfaits de leur condition, la plupart se jugeaient même chanceux.
Je poursuivis la route vers l’université des lettres, et j’en profitai pour découvrir un peu les arts humains. Ne voyant pas le temps passer, j’y suis resté quinze jours ! La prochaine étape de mon voyage était Kentrô. Cette ville était incroyable. La verdure se mêlait aux habitations, et jamais je n’y ai vu une maison à plus d’un étage. Il faut dire que la ville s’étendait sur une surface impressionnante, mais plus on s’éloignait du centre, moins les habitats étaient concentrés. Je profitai de la frénésie commerciale de la ville pour vendre quelques gommes, et recharger un petit peu mon stock de deniers. J’y découvris aussi des merveilles venues des quatre coins du monde, dans un hôtel des ventes splendide. Là s’échangeaient des objets rares, pour ne pas dire uniques : des têtes d’Oubasimba sculptées, des queues de drrrags, des couronnes d’anciens rois...
Après l’Empire, je me rendis sans plus de tergiversations à Fröstburg ! La première ville qui se présenta était Kaden. J’avais entendu, au cours de ma vie, deux avis contraires sur celle-ci : les révolutionnaires amis de mes parents disaient que c’était « la seule ville naine potable », les Nains qui supportaient leur roi m’en avaient parlé comme la honte du royaume. J’allais me faire mon propre avis. En fait, passé le port commerçant assez accueillant, la ville était assez sale et miséreuse. Des mendiants jonchaient ses rues, et les maisons ne payaient guère de mine. Sur une des places de la ville, je découvris un étrange rassemblement. Questionnant un souriant Humain dans la foule, j’appris que c’était Atheika qui prenait la parole, un groupe d’athées qui s’opposait au pouvoir. La prise de parole critiquait virulemment une association qu’on appelait « Les Lumineux ». J’avais lu ce nom chez mon hôte qul-bardien, mais pas moyen de me rappeler de quoi il s’agissait. Outre cela, l’orateur appelait plutôt à la paix, encourageant le libre arbitre et la manifestation pacifique. J’étais ravi de constater qu’ailleurs qu’à la société du rêve, des mouvements s’insurgeaient sans violence. C’est à la bibliothèque de la ville, un peu plus tard, que j’appris qui étaient Atheika et les Lumineux.
Mon dernier voyage me mena à La Forge, en l’an 1008, après treize ans de voyage. Je n’avais pas souhaité me rendre aux Terres Bleues, qui apparemment ne m’auraient offert à voir que des ports, et je n’ai pas pris la peine, parce que j’étais déjà comblé, de voir Tradear. Je me suis néanmoins beaucoup renseigné au sujet de ces deux espaces. La Forge était la capitale naine, et pour cause. Il aurait fallu un autre terme que « ville » pour la désigner. Elle était immense, colossale, gigantesque. Tout à fait propre et habitée de maisons à plusieurs étages, de très belles constructions d’ailleurs, elle contrastait avec la verte Kentrô. La Forge était semblable à une immense usine, où chacun s’affairait et où le bruit était constant. Il n’y avait pas une grande place (qu’est-ce que cela aurait été !) mais une multitude de petits lieux de rassemblements, liés à des quartiers. Ces derniers étaient d’ailleurs fascinants, l’un accueillant les artisans du bois, l’autre rempli de commerces d’épices. Tout juste arrivé de voyage, alors que le jour se terminait lentement, je préférai prendre du repos pour la nuit, dans un abri à l’extérieur de la ville, un peu protégé du bruit.
Chapitre XII : La Forge pleure [04/05/1008 (printemps)]
Le pseudo-citoyen d’honneur n’a rien pu faire.
Le lendemain, je rejoins un rassemblement sur l’une des places les plus fréquentées de la ville, où mille, peut-être deux mille personnes se pressaient. Des artisans nains faisaient démonstrations de leurs créations, ainsi que des mages-artisans. C’était extrêmement amusant et intéressant... jusqu’à l’attentat. D’abord, je n’ai rien compris. Un bruit sourd retentit, de la fumée s’éleva du milieu de la foule, à une vingtaine de coudées de moi. Des gardes nains traversèrent les foules et capturèrent des Centaures, des Nains, des Élémentaires et des Humains aux visages masqués. Certains s’enfuirent pourtant. En approchant du lieu d’où s’élevait la fumée, je compris ce qui s’était passé. C’était un attentat... des cailloux jonchaient le sol, et je compris que les armes utilisées avaient été des pierres explosives, comme celles que mes parents fabriquaient jadis. J’étais écœuré. Dix personnes avaient été tuées, trente autres blessées. Qui avait pu faire ça ?
L’autre chose qui attira mon attention était un Élémentaire qui regardait la scène. Il ne présentait aucune trace d’émoi. La scène ne semblait pas le choquer. J’eus un mouvement vers lui : « Tu n’as pas l’air perturbé, lui dis-je de manière presque agressive, en pleurant à chaudes larmes.
— Bien entendu, Centaure. J’ai quitté Tab Hâ il y a quelques lunes. Là-bas, il y a des meurtres chaque jour, par dizaines.
— Comment ? Mais la guerre n’est-elle pas apaisée ?
— Foutaises. La situation est gravissime. L’exil se réduit seulement parce que ceux qui pouvaient et voulaient partir sont partis. La lutte continue, et ceux qui n’arrivent pas à s’enfuir subissent cela.
— Je veux savoir comment cela se passe là-bas. Dis-moi comment y aller.
— Tu es fou, Centaure. Personne d’autre que les Élémentaires ne vont à Tab Hâ. Vis ta vie tranquillement, prends la chance d’être né dans un pays en paix. »
Sur ces mots, il fuit. Et moi, j’avais pris une décision.
Chapitre XIII : Il me faut savoir, à tout prix. [deuxième moitié de l’année 1008]
Les aventures du Centaure intrépide.
Bien que mon premier interlocuteur Tab Hâïste ne m’ait pas beaucoup aidé, je trouvais à force de prospection un endroit où débarquaient des immigrés, près de Tildnis. De toute façon, la Chironie ne contrôlait pas ses frontières maritimes, et les bateaux emplis de réfugiés affluaient sans grande discrétion. Je me décidai alors à interpeller un capitaine qui faisait la traversée régulièrement.
« Bonjour, c’est quel tarif pour aller à Tab Hâ ?
— Tu sais ce qu’il se passe là-bas ? Qu’est-ce que tu me racontes ? Personne ne va là-bas !
— Si, moi. Alors, quel tarif ?
— Tu es fou, Centaure. Je refuse de te prendre.
— Vingt deniers ?
— Booooooon, discutons un peu. Tu m’as l’air fort riche pour proposer une telle somme d’emblée. Vingt-cinq deniers et c’est parti. »
Je laissais une bourse conséquente à l’Élémentaire qui dirigeait le navire, mais au moins j’allais pouvoir voir de mes yeux ce qui se passait. Je pus discuter avec les quelques membres d’équipage, qui me prenaient pour un fou furieux.
Le voyage m’avait semblé interminable, même sans être malade sur le bateau. Plus d’une lune avait été nécessaire pour rallier l’île. Si le début du voyage avait été plaisant, et la découverte de la mer et de sa faune amusante, les derniers jours, sur une mer agitée et sans savoir quand on arriverait, avaient été très très longs à mon goût. Cependant, l’équipage avait toujours été agréable à mon égard (bien que quelques deniers me furent volés pendant mon sommeil).
L’île de Tab Hâ revêtait une atmosphère particulière. Nous avions débarqué sur une plage au bord de la jungle. À ma droite s’étendait un paysage assez proche des plaines de mon pays, et à ma gauche une forêt de grands arbres, dense et humide, comme il n’en existait nulle part ailleurs. À peine avais-je posé le pied sur l’île qu’un groupe de vingt élémentaires sortit d’une cachette derrière un rocher, et se mit à genoux devant la capitaine. Un dialogue dialectal s’ensuivit, avant qu’ils n’embarquent. Le commandant du bateau me demanda donc si je souhaitais bien rester ici, ce à quoi je répondis avec l’affirmative. Il me regarda avec agacement, me jeta un maigre sac de vivres et me souhaita bonne chance. Alors que le bateau repartait, j’entendis un cri aigu dans la jungle. Une jeune Élémentaire de glace courut hors de la jungle, puis s’effondra sur la plage. Assassinée. Prenant mon courage à deux mains, j’entrais dans la jungle lorsque deux Élémentaires, l’un d’acier et l’autre de terre, me sautèrent dessus et me ligotèrent. Il m’avait fallu moins de mille pas pour que mon voyage prenne un mauvais tournant.
Chapitre XIV : Le prisonnier [1008-1012]
[i]Aurais-je franchi les limites de la décence ?
C’était donc désormais en spectateur enchaîné que je découvrais le conflit qui se déroulait sur l’île. Mes geôliers, après m’avoir dépouillé de toutes mes possessions (près de cent deniers et une panoplie d’alchimiste), se montrèrent assez sympathiques avec moi, même s’ils ne parlaient pas ma langue. En tout cas, je ne subis pas de torture. Comprenons-nous bien, j’étais quand même nourri avec des épluchures ou des plantes parasitaires, mais l’on ne m’infligeait pas de violences physiques ou morales autres que la privation de liberté. L’état était quand même difficile. J’avais toujours aspiré à la liberté, et je me retrouvais bloqué, au milieu d’une guerre qui faisait des dizaines de morts chaque jour. Parfois, je voyais des meurtres se dérouler devant moi.
Un jour, mes geôliers furent tués, et leurs meurtriers vinrent me libérer. Après une longue discussion, ils décidèrent de me relâcher. Probablement n’avais-je aucun intérêt pour eux. Ni une, ni deux, c’est vers la côte que je m’enfuis. L’exploration était terminée, j’avais jaugé la situation : une guerre généralisée se déroulait sur l’île. Au passage, je pus récupérer ma besace : mes kidnappeurs n’en avaient rien fait.
Sur la côte, un bateau se présenta au bout d’une journée d’attente. De nombreux élémentaires montèrent à bord, et je demandai au capitaine de m’emmener. Je lui expliquai ma situation, et je n’eus que refus. En mâchant des herbes de persuasion, la situation évolua un peu. Le commandant comprit que j’étais dans une situation de grande détresse, et consentit à m’embarquer à un prix... ruineux. Il a pris tout mon argent, et m’a mis à fond de cale. C’était reparti pour manger des pelures, sans compter que je devais ramer lorsqu’on me le demandait. Le voyage était fort cher, certes, mais le retour au continent assurait que ma vie soit sauvée. Optimiste et content d’être vivant, je ne trouvai pas le voyage si long.
Chapitre final (XV) : Alerter les nations. [1013—?]
Le bilan de ma vie, et l’avenir.
C’est au début de l’année 1013 que mes sabots purent se poser à nouveau sur le sable chaud de Tildnis. Traversant à nouveau le pays, je pris repos à Qul-Bard, où la « grande maison » avait quelque peu évolué. La ville était devenue prospère, et la pauvreté avait fortement diminué. Alors l’héritière de l’atelier était moins fréquentée, mais c’était heureux, parce que le besoin n’existait plus ! Après quelques lunes de repos (et de réflexion), je me remis en action.
La paix était ma dernière mission. J’avais 62 ans aujourd’hui, et je devais agir pour les autres. Et où était l’urgence aujourd’hui ? À Tab Hâ. Ce serait mon dernier combat, le plus noble de tous.
Objectifs du personnage
1. Faire s'arrêter la guerre qui ravage Tab Hâ.
2. Répandre la paix en général.
3. Combattre le racisme et la misère.
2. Répandre la paix en général.
3. Combattre le racisme et la misère.
Atouts & Faiblesses
Atout n°1: Sociable, Mishva faisait un bon commerçant, et utilise aujourd'hui son talent d'orateur pour inciter les gens à aider les autres.
Atout n°2: Paisible, tout le monde aime discuter avec Mishva le consensuel. Il est un excellent médiateur lorsque l'on est en conflit, et veille à ne jamais vexer les autres.
Atout n°3: Mature, Mishva pèse toujours le pour et le contre de ces décisions. Par exemple, il n'utilise pas ces herbes de persuasion à chaque fois qu'il parle. Au contraire, il les utilise seulement pour ouvrir à de nouveaux domaines ceux qui ont l'esprit un peu trop étriqué ou égoïste.
Faiblesse n°1: Le physique de Mishva ne lui pèse pas, mais d'aucuns considéreraient ça comme une faiblesse. Il a beau être endurant pour les voyages, il n'est pas capable de travaux demandant beaucoup de forces, ni de se défendre si on l'attaque.
Faiblesse n°2: La tendance de Mishva à vouloir allier les races lui attire parfois des ennuis dans certains groupes, par exemples les Lumineux ou les révolutionnaires racistes.
Faiblesse n°3: Éloigné de sa famille, Mishva n'entretient presque plus de relations avec son frère restant. Tous deux ont préféré se consacrer à leurs amis et à un travail.
Atout n°2: Paisible, tout le monde aime discuter avec Mishva le consensuel. Il est un excellent médiateur lorsque l'on est en conflit, et veille à ne jamais vexer les autres.
Atout n°3: Mature, Mishva pèse toujours le pour et le contre de ces décisions. Par exemple, il n'utilise pas ces herbes de persuasion à chaque fois qu'il parle. Au contraire, il les utilise seulement pour ouvrir à de nouveaux domaines ceux qui ont l'esprit un peu trop étriqué ou égoïste.
Faiblesse n°1: Le physique de Mishva ne lui pèse pas, mais d'aucuns considéreraient ça comme une faiblesse. Il a beau être endurant pour les voyages, il n'est pas capable de travaux demandant beaucoup de forces, ni de se défendre si on l'attaque.
Faiblesse n°2: La tendance de Mishva à vouloir allier les races lui attire parfois des ennuis dans certains groupes, par exemples les Lumineux ou les révolutionnaires racistes.
Faiblesse n°3: Éloigné de sa famille, Mishva n'entretient presque plus de relations avec son frère restant. Tous deux ont préféré se consacrer à leurs amis et à un travail.
Magie
Mishva est un alchimiste. Il commercialise des gommes à mâcher aux divers effets. Il se réserve les herbes de persuasion, qui lui permettent de susciter l'empathie de son auditoire, permettant aux gens de se mettre à sa place et d'écouter attentivement ce qu'il dit. Cela n'est pas de la manipulation mentale, car les herbes ne permettent pas de changer quelqu'un. Au mieux, elle l'aident à prendre une décision en considérant l'autre (Mishva en l'occurrence).
Inventaire / Possession foncières / Équipement
Mishva est relativement riche. Fidèle à son éducation, il n'a pas de maison. Il remplit constamment sa bourse en vendant ses gommes là où il va. Il ne possède pour équipement qu'une besace de voyage, et une ceinture gravée des lettres «C-H-E-N».
Règlement
[X] Je déclare avoir pris connaissance du règlement du forum (et pour cause, je l'ai écrit !
[X] Ce règlement est lu et approuvé
[X] Ce règlement est lu et approuvé
Codé par Opaline
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum